Partagez cet article !

Comment faire si on ne peut pas avoir des ruches chez soi, mais l’on veut tout de même soutenir l’apiculture et les abeilles ? C’est ce que propose « Un toit pour les abeilles », une entreprise qui permet aux particuliers et entreprises de parrainer des apiculteurs.

Je remercie Zakia Abarou, directrice des opérations chez Un Toit Pour Les Abeilles pour sa disponibilité pour cet interview !

Zakia se trouve au centre de la photo 😃

Les autres interviews sont disponibles sur cette page, d’autres interviews seront régulièrement publiées.

parrainer ruche et des abeilles

Pouvez-vous me présenter un toit pour les abeilles ?

Zakia Abarou: Un toit pour les abeilles,  c’est une histoire de dix ans maintenant. Un peu plus de dix ans en fait, on a fêté dix ans l’année dernière. On est dans notre onzième année.

Alors à l’origine, c’est pas moi, à l’origine c’est Régis Lippinois, fondateur d’Un toit pour les abeilles, il a créé la structure. En fait, il était apiculteur amateur, tout comme vous. Passionné par la biodiversité, très affecté par le déclin des abeilles, on parle d’il y a 10 ou 11 ans en arrière, où même si le grand public n’était pas encore très sensibilisé à la disparition des abeilles. Lui, sur son rucher, en tout cas, il voyait le déclin qui s’opérait petit à petit. Et donc, il avait une structure de covoiturage, c’est l’un des premiers acteurs à avoir proposé des solutions de covoiturage. Il a toujours réfléchi, pensé ses projets comme des projets qui devaient avoir un impact positif sur la biodiversité, sur la nature et sur l’environnement.

Donc il avait lancé effectivement un projet de covoiturage, et pour créer un petit peu de buzz autour de ce lancement là, il a installé sur l’une de ses ruches un logo avec la mention de son ancienne entité qui s’appelait Ecolutis. Donc, ça a éveillé la curiosité des journalistes qui se sont penchés sur la question, pourquoi les abeilles? Pourquoi cette solution de covoiturage?

Donc il a expliqué un petit peu son projet. Ça fait mouche, on a eu pas mal d’entreprises au début, c’était plutôt les entreprises qui ont souhaité s’engager dans une démarche environnementale, qui ont demandé la possibilité d’avoir des ruches avec leur logo. Et puis finalement, le monde de l’apiculture, c’est un monde finalement très petit. Tout le monde se connaît, tout le monde se côtoie. Donc, Régis, c’était en relation avec d’autres apiculteurs du secteur. D’abord, plutôt au niveau local, puis au niveau régional. Aujourd’hui, on est vraiment présent dans toute la France. On a une centaine d’apiculteurs dans le réseau. Donc, on a lancé Un toit pour les abeilles en 2008, si je ne dis pas de bêtises.

Et on a installé depuis plus de dix mille ruches sur tout le territoire français. Donc, voilà de nouvelles colonies d’abeilles grâce au soutien de parrains particuliers et d’entreprises qui nous ont, qui ont participé à cet effort via le financement de ses ruches.

Guillaume: D’accord, donc aujourd’hui, il y a 10.000 ruches qui sont installés ?

Zakia: 10.000 ruches ont été installées sur tout le territoire depuis le début de l’initiative. Davantage encore cette année, puisqu’on est sur notre onzième année. Et on continue ce cheminement d’installer chaque année de nouvelles colonies sur tout le territoire.

Guillaume: D’accord.

Zakia: Sur les ruchers principalement, c’est sur les ruchers des apiculteurs plutôt qu’en ville. Ou peut être que cette question là, vous me la poserez un peu plus…par la suite, excusez moi, mais effectivement, on a plutôt privilégié, même si de manière très anecdotique et ponctuelle, mais on peut installer sur des sites d’entreprises plutôt périurbains quand on a suffisamment de flore environnant et quand on s’assure qu’on ne va pas générer de conflits entre abeilles domestiques et abeilles sauvages. Sinon, à 99%, on installe sur les rochers de nos apiculteurs qui sont sur des milieux plutôt ruraux et adaptés finalement à la vie des colonies.

Etudier le terrain et l’environnement avant d’installer une ruche

Guillaume: C’est intéressant, d’accord. Donc vous voulez dire qu’avant même d’installer une ruche, vous faites vous faites une étude?

Zakia: Oui, ce qu’on appelle une étude de faisabilité environnementale et technique. On va s’assurer qu’en fait, si on installe des ruches sur le toit d’une entreprise ou sur sur le sol d’une entreprise, on ne va pas finalement déséquilibrer un écosystème déjà en place, et que les abeilles qu’on va installer, que les ruches qu’on va installer, vont être viables ne vont pas finalement mourir.

On n’a pas d’intérêt à installer pour installer. L’objectif, vraiment, c’est un engagement sincère dans notre objectif d’installer de nouveaux essaims et de se dire que ces essaims là, on va leur donner un environnement dans lequel les abeilles vont s’épanouir et évoluer. Et voilà, on n’a pas vocation à installer parce que ça fait plaisir à une telle structure, etc. Donc, il y a toujours un contrôle de faisabilité technique et environnementale réalisé par l’apiculteur lui-même. C’est l’apiculteur qui dit qui décrète la faisabilité, technique ou pas.

Guillaume: Et cette faisabilité, c’est, comment dire, une grille qui définit, qui est normée, en quelque sorte? Ou est ce que c’est un peu vous qui l’avez créé?

Zakia: Alors, c’est plutôt, non, on n’a pas de grille associée à ça, parce qu’on est pas… Nous, on estime que l’apiculteur, c’est lui qui respecte l’art et les règles de l’apiculture française. Donc, c’est lui qui, en fait, peut décréter en fonction de l’environnement sur lequel on va installer des ruches, de  l’évolution de sa colonie. C’est lui qui va nous dire comment la colonie va bien évoluer dans cet environnement là, où elle risque de faire face à des carences en réserves, ou elle risque de déséquilibrer un écosystème déjà en place, etc. Donc, on s’appuie vraiment sur l’expertise de nos apiculteurs

Guillaume: D’accord.

Ruche au milieu d'un champ fleurs

Zakia: Sachant que les apiculteurs qui intègrent un toit pour les abeilles, c’est des apiculteurs qui signent une charte entre guillemets d’engagement autour de leur métier. On est pas du tout dans une recherche de rendement, pas du tout. On l’expliquera dans le processus du parrainage. Mais comment sont financées les ruches. En fait, globalement, l’apiculteur n’a qu’un rôle à jouer, c’est celui de gardien des abeilles, il s’occupe des abeilles, il produit du miel c’est son rôle, et bien évidemment, il doit vivre de son activité décemment.

Le prix du miel

Donc, il va produire du miel, mais sans recherche de rendement à tout prix, puisque le miel qu’il va produire, on va lui acheter et à un prix qui est largement au dessus de la moyenne en France.

Le prix du miel, en France, si je ne dis pas de bêtises, il avoisine les 8 euros du kilo. En Europe, il avoisine les 4 euros. En Asie, je ne vous en parle pas, on est aux alentours de 1,50€.

Guillaume: D’accord, 8€ le kilo, c’est à dire qu’un apiculteur professionnel vend en moyenne son miel à 8€.

Zakia: Entre 8 et 10 euros du kilo son miel.

Guillaume: D’accord.

Zakia: Nous, chez un toit pour les abeilles, on achète le miel entre 25 et 35 euros du kilo selon que le miel va être labellisé, etc. C’est de se dire pas la peine de surproduire, on va te payer trois fois plus cher ton miel. L’objectif étant que tu te focalises sur les ruches que tu as à échelle humaine. Pas la peine d’en avoir, pas la peine de surproduire, pas la peine d’avoir des milliers d’essaims, cheptels réduits, pratiques douces, respectueuses de l’abeille.

Et de toute façon, le revenu est assuré derrière puisqu’on va vous payer donc, vous apiculteurs, en moyenne entre 3 fois, voire 4 fois le prix au kilo moyen en France.

Guillaume: Impressionnant! et avant de revenir là dessus, avant de continuer dessus, juste pour parler de la partie faisabilité. Quels sont les points, généralement, que les apiculteurs étudient avant d’installer un essaim?

Zakia: Il y en a tellement.

Guillaume: Les ressources, mais comment est-ce-qu’on peut arriver à voir?….

Zakia: Alors, c’est assez viable, parce que souvent, ils commencent par un petit Google Maps, puis ils vont vérifier quel type de plantation. Ils vont sur place pour vérifier quel type de plantation on a sur le secteur. C’est difficile parce que souvent, il est possible que vous ayez des rotations de deux floraisons que vous ne voyez pas. Mais vous allez savoir si vous avez une dominante de tel arbre sur le secteur et quel type de floraison vous allez avoir. Quel type de nectar potentiellement pollen, nectar, vous allez offrir aux abeilles, etc.

parrainage un toit pour les abeilles

Donc ça, c’est un gros indicateur, si vous avez suffisamment de floraisons sur le secteur et notamment d’arbres fruitiers éventuellement et autres, en tout cas fort en apport nectar et pollen. Eh bien, globalement, on part du principe que vous allez pas dénaturer le secteur puisque nous, sur les sites d’entreprises, on installe généralement 2 ruches maximum. C’est suffisant. On n’est pas sur des cheptels, on n’est pas sur des zones où on va pouvoir installer énormément de ruches.

Les ruches clairement, elles sont faites pour vivre en colonies sur des milieux où elles vont avoir des hectares de biodiversité à disposition. Donc, les champs ruraux sont nettement plus adaptés quand on installe une à deux ruches sur un milieu sur lequel on s’est assuré qu’on a normalement un parc environnant, des bois, etc, on sait que potentiellement, il n’y a pas de, on ne va pas de dénaturer l’écosystème environnant.

Par contre, ici on est sur un milieu où les ressources sont très restreintes, et finalement, c’est associé à des petits habitats aux alentours avec des jardins, etc. Là, clairement, on va créer un vrai déficit de ressources pour les abeilles, notamment sauvages. Pas que les abeilles sauvages, les autres pollinisateurs sauvages qui vivent plutôt en milieu urbain.

Donc là, clairement, à la fois c’est déséquilibrer les écosystèmes environnants. Mais si, en plus, ne pas s’assurer, ne pas pouvoir avoir la certitude d’avoir suffisamment de ressources pour les abeilles tout au long de l’année, et de se dire que potentiellement, on va les retirer à telle période de l’année puisqu’il n’y aura plus de floraison alentour, et elles vont avoir un besoin en nectar juste avant, notamment l’hivernage, une dernière miellée ou autre, pour pouvoir assurer d’hivernage et c’est de devoir soit récupérer l’essaim juste avant l’hivernage pour s’assurer d’une dernière miellée qui va lui permettre d’avoir suffisamment de ressources, soit d’alimenter en candi et autres, ce n’est pas l’objectif.

Donc généralement, on a 3500 entreprises marraines à date, je crois qu’on a installé à peu près d’ici une dizaine de sites à peine.

Guillaume: D’accord

Les ruches en ville et les ruches dans un milieu rural

Zakia: Finalement, on est vraiment plus sur un engagement sur les ruches des apiculteurs où là, on sait que l’environnement est vraiment propice. Et puis, il y a des études scientifiques qui ont été réalisées, je crois que c’est  en 2016 qu’on rédigeait un article sur le sujet, vous avez dû voir passer les informations. Mais dans les années 2016, 2015-2016, on a eu une espèce de communication transverse qui s’est faite, notamment via les médias, qui expliquait qu’installer des ruches en ville, c’était finalement minimiser les pesticides, etc. Et c’était apporter suffisamment de ressources aux abeilles qui vivaient en colonies, etc. Et que c’était finalement plus intéressant pour les apiculteurs d’installer les ruches en ville. Des scientifiques ont mené des études, je crois que l’étude ils l’ont menée sur un, donc plutôt du court terme. Et au terme de l’année, on s’est rendu compte qu’on déséquilibrer les écosystèmes environnants, que deux, c’était une lubie que de se dire que les abeilles étaient moins affectées par les pesticides, puisqu’on avait encore ces herbicides qui étaient utilisés dans les jardins, sur les balcons, etc. Que finalement, il y avait d’autres facteurs d’appauvrissement qui affaiblissent les colonies, qui sont le stress des villes, les ondes et les routes, le bruit, etc.

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu :   Interview #13 - Sandrine et Thierry - Des apiculteurs qui ont un rucher couvert

Guillaume: Le bruit qui crée des vibrations, oui.

Zakia: Oui, et ça vient finalement stresser les colonies et les mettre en situation de stress ultime. Donc, finalement, l’affaiblissement.

Et l’étude c’est clôturée en disant plutôt que de chercher à continuer les pratiques agricoles qui visent à utiliser des produits phytosanitaires sur les sols, etc, de continuer ces pratiques là, et de supprimer de l’équation les abeilles qui sont effectivement cet élément qui nous font à un moment donné lever le panneau et dire stop aux pesticides, etc. Eh bien, plutôt que de se dire on déménage ces abeilles et on continue nos pratiques, c’est de se dire à un moment donné ces pratiques là sont nocives pour les abeilles, mais pour vous, finalement, agriculteurs en première ligne puis que finalement les herbicides, et notamment les néonicotinoïdes ont été considérés, sont considérés comme perturbateurs endocriniens pour les abeilles, mais aussi cancérigènes pour les hommes.

Donc, les agriculteurs qui utilisent ces produits se mettent en danger finalement. Donc, c’est se dire arrêtons ces pratiques qu’on nous a inculquées. C’est des pratiques qu’on a depuis des décennies maintenant. Mais aujourd’hui, revenons à quelque chose d’un peu plus, finalement, bénéfique à la fois pour les hommes et à la fois pour la nature. Pour les sols, pour les pollinisateurs, etc.

ruche et apiculteur près d'un champ

Hausse de l’utilisation des néonicotinoïdes en France

Zakia: Et finalement, on réussira à trouver quelque chose de vertueux. Aujourd’hui, on rentre dans un engrenage où on sous-utilise. Je crois que, je ne sais plus si c’est la Fondation Hulot qui a sorti cela, mais malgré les textes de loi autour de la biodiversité, malgré les initiatives qui ont été prises, malgré les alertes qui ont été données autour de l’utilisation des néonicotinoïdes, on reste aujourd’hui l’un des pays qui utilise le plus de néonicotinoïdes. Je crois qu’on a une hausse sur 2020 ou 2021 de 25% de d’utilisation de ces phytosanitaires sur les champs agricoles.

Donc, en fait, on est dans une situation où on devient, ou en tout cas la filière agricole, est dépendante, se met dans une situation de dépendance ultime de ces produits qui sont nocifs finalement pour les sols, qui nous appauvrissent les sols, qui ont un impact très nocif sur les pollinisateurs qui jouent un rôle sur la pollinisation de ces plantations, et qui sont nocifs pour l’homme, donc voilà, ça interroge en tout cas sur le champ des possibles et sur ce qu’il faut faire aujourd’hui pour essayer de sortir de cette situation un peu dramatique.

Guillaume: Ça interroge un peu sur ce que les agriculteurs apprennent justement en  école d’agriculture. Est ce que ceux qui disent les produits phytosanitaires, c’est quelle génération, en faite, d’agriculteurs? Si c’est plutôt générations intermédiaires, générations aînés ou les générations plus jeunes? Et voir comment les jeunes aussi, enfin, ce qu’ils en pensent. Et est ce que aussi il y a aussi des cours en école d’agriculture sur la pollinisation, justement.

Zakia: Un gros questionnement sur cette partie, que je ne maîtrise pas. C’est cette tendance de dire que les agriculteurs, effectivement, ceux qui ont baigné dedans…

Guillaume: Oui.

Zakia: Auxquels on a inculqué, effectivement, que les soins agricoles allaient de pair avec l’utilisation de produits phytosanitaires. Clairement, c’est très, très difficile de changer les mentalités. En tout cas, ça paraît très compliqué.

Guillaume: Oui

Développement de l’agriculture bio: c’est lent mais on avance

Zakia: Les nouveaux agriculteurs qui s’installent, je pense que, mine de rien, le mouvement qui s’opère chez le grand public interroge. Donc, je pense que, notamment sur la filière bio qui se développe de plus en plus, qui était niche hier et qui aujourd’hui est une obligation. Je crois que dans les référencements, notamment GMS, etc, donc grands groupes alimentaires, on demande aussi et dorénavant l’obligation d’avoir une partie des parcelles, je ne sais plus le pourcentage, il faudra peut être se renseigner sur cette partie, mais en bio. Et ça devient une condition sine qua non, donc il y a une vraie évolution vers en tout cas quelque chose. C’est long, pour nous, c’est beaucoup trop lent, mais en tout cas, il y a une prise de conscience, et je me dis que les nouvelles générations, celles qui vont prendre le relais finalement agricole, vont davantage, en tout cas, s’interroger sur cette partie-là.

Je ne dis pas qu’ aujourd’hui on n’a pas de…C’est très difficile. Il faut encore penser ses solutions éco responsables qui vont permettre, à moindre coût, de pouvoir préserver ses sols.

Aujourd’hui, il y a une vraie dépendance financière du secteur agricole, la mise en danger d’une plantation peut mettre en danger la structure complète agricole. Et on entend que la partie financière c’est une partie, la partie pécuniaire entre en jeu sur ça. Donc, il faut réussir justement à trouver une espèce de système où on élève les prix. On comprend qu’à un moment donné, pour pouvoir préserver et avoir des produits en phase avec ce que l’on souhaite pour demain, il va falloir se payer le juste prix, en tout cas, à la filière agricole. Aujourd’hui, c’est une filière qui est en souffrance. Alors moi, je la pointe pas du tout du doigt parce que je sais ce qu’est qu’une filière en souffrance et l’objectif de rendement les pousse à… C’est pour ça que nous, on a retiré de l’équation.

On est en mesure de le faire, on reste une petite structure échelle humaine, on a une centaine d’apiculteurs. Et on a pris ce pari de se dire on retire de l’équation cette recherche de rendement. Ne cherchez pas à vendre votre miel en volume pour 8 euros du kilo, vous n’y arriverez pas. Et ça va peut être générer une dérive de la pratique agricole, apicole en concurrence.

Guillaume: D’accord.

Zakia: Donc, concentrez vous sur les abeilles, puisque vous en avez besoin. Mieux vous les traiterez, plus vous verrez un retour, finalement, sur la production. Et en plus, ce miel là, on va pouvoir vous le rémunérer décemment.

La vision d’un toit pour les abeilles

Guillaume: D’accord. Et pour revenir sur un toit pour les abeilles, quelle a été la vision à l’origine et la vision actuelle de l’entreprise? Est ce qu’elle a évolué?

Zakia: Alors oui, elle a évolué.

Guillaume: L’intention première au départ?

Zakia: Oui, vraiment la première idée, c’était sonner l’alerte, dire qu’il se passe quelque chose dans la filière apicole. La filière apicole, c’est une petite filière, je crois qu’on a 2.000 ou 5.000 professionnels. Pas tant que ça finalement en France, et à peu près 10 000 à 15.000 apiculteurs amateurs inclus.

Donc c’était se dire à un moment donné aujourd’hui, face à une filière agricole qui est très imposante en France, c’est de se dire nous, apiculteurs, on n’a pas de voix. De voix qui puisse, comme ça, sonner l’alerte, pouvoir créer du buzz autour de s’installer une ruche aux couleurs de Ecolutis. Et je pointe du doigt le déclin des abeilles. Ça peut à un moment donné. En tout cas, au niveau local, c’était sa recherche, vraiment, au niveau local, se dire posons nous les bonnes questions.

frise un toit pour les abeilles

On s’est fait dépasser, par finalement, l’engouement du public. C’est vraiment le public a été réceptif. D’abord l’entreprise, puis le particulier aujourd’hui.

Aujourd’hui, un toit pour les abeilles. On a comptabilisé depuis le début de l’initiative plus de 100 000 parrain particuliers qui ont participé à cette initiative et 3500 entreprises.

Ça veut dire qu’à un moment donné, on a suscité auprès du grand public un éveil des consciences, a notre échelle, bien évidemment, mais on l’a fait, on a participé à cela. Donc on peut vraiment se féliciter de cela. Et il y a dix ans en arrière, quand on a lancé l’initiative, les premiers parrains qui nous ont suivis, c’étaient plutôt les grands-parents. Ceux qui jadis voyaient les abeilles dans leur jardin, etc. Qui ont vu s’estomper un petit peu cette biodiversité dans leur jardin. En tous cas, c’était les retours qu’on a vu.

Profil des parrains et marraines des ruches

Aujourd’hui, on a conservé ses grands parents, entre guillemets, les générations antérieures. Mais on a surtout vu arriver beaucoup de nouvelles générations de parrains trentenaires, quarantenaires, parents de petits enfants de 5 ans, etc. Qui ont cette envie de se dire qu’à un moment donné, ils vont laisser aux générations à venir une planète plus saine, en tout cas.

Il y a eu un vrai réveil, et ça va dans le bon sens, dans le sens où les générations antérieures, c’est des générations qui nous quittent aujourd’hui. Et si cette vision de la préservation des abeilles nous quittait avec elle, ce serait dramatique. Aujourd’hui, on a quand même les nouvelles générations. J’ai beaucoup, beaucoup de nouveaux parents qui suivent l’actualité de leur ruches avec leurs enfants, qui demandent des contenus pédagogiques, qui justement nous ont demandé d’essayer de vulgariser la vie des abeilles pour mieux la comprendre, mieux la cerner. Et c’est pour ça qu’on ne rentre pas dans du trop technique et trop scientifique. On pourrait très bien, on a aujourd’hui une filière d’une centaine d’apiculteurs très pros qui pourraient très très bien aller plus loin dans les démarches d’explication. Mais on a voulu le rendre adaptable finalement à notre public, de manière à ce que tout à chacun comprenne l’enjeu et comprenne le rôle qu’il a joué.

Guillaume: D’accord. Et un toit pour les abeilles, c’est vraiment de créer du lien entre les apiculteurs et les particuliers. Comme ça, une personne qui se dit j’ai envie d’œuvrer pour… beaucoup de personnes considèrent que les abeilles c’est important, mais ils ne savent pas très bien comment faire.

Zakia: C’est ça!

Guillaume: À part acheter du miel, et encore, ils savent très bien où acheter du bon miel. Donc là, ça peut permettre à des personnes qui n’ont pas le temps et la possibilité d’avoir une ruche, de tout simplement se dire je vais contribuer à la filière apicole.

Zakia: C’est ça. Difficile de proposer aux parrains particuliers d’installer chacun chez soi une ruche. Ça va être très compliqué. Aujourd’hui, quand un parrain, quand le particulier parraine, et l’entreprise d’ailleurs, quand vous parrainez, ce n’est pas un chèque que vous transmettez pour financer l’installation d’une ruche, etc, on en parle plus, c’est fait, j’ai fait ma petite B.A et j’oublies.

C’est un an d’engagement avec nous durant lequel vous allez recevoir du contenu régulier. Donc, on a un texte de saison, notamment mensuel, dans lequel on vous explique la vie de la ruche. On va vous expliquer ce qui se passe dans la ruche à telle période de l’année, donc, en février, à l’heure actuelle. On va vous expliquer ce que fait l’apiculteur à cette période de l’année. On a un encart sur l’apiculteur et sur le métier, donc on explique à quoi sert l’apiculteur, finalement. On fait un zoom sur un élément intéressant de la vie de la ruche. C’est soit le cycle de vie de l’abeille, soit la fécondation de la reine, etc. On explique quelque chose d’important autour de l’organisation de la colonie.

parrainé un toit pour les abeilles

Partager des initiatives, des bonnes nouvelles, des recettes

On partage aussi des bonnes nouvelles. Alors chaque année, on essaie de changer. L’année dernière, on partageait des recettes à base de miel. Cette année, on est plutôt sur les bonnes nouvelles écoresponsables du moment, les initiatives positives, etc. Pour montrer qu’il y a un élan, un mouvement en tout cas qui s’opère, donc pas forcément uniquement concernant les abeilles, mais vraiment concernant la biodiversité en général, la faune, la flore, etc.

On a ce contenu là, on a les nouvelles de l’apiculteur de manière ponctuelle, alors on n’impose pas à l’apiculteur de rédiger toutes les semaines. Ce n’est pas possible, il s’occupe d’avoir des abeilles. Par contre, de manière ponctuelle, souvent trimestrielle, on demande à l’apiculteur de donner des nouvelles. Est ce qu’il a eu des mortalités? Pourquoi et pourquoi est ce qu’il a eu des mortalités? Est ce qu’il fait face à la pression du frelon asiatique, au contraire, est ce que les abeilles sont en bonne santé? Ce qui a déterminé pourquoi elles sont en bonne santé, de quoi elles ont pu bénéficier? Quels types de miellée il en train d’avoir, etc.

Donc on rentre un peu plus dans la vie de la ruche. Les parrains reçoivent des photos de leurs ruches. Donc, ça c’est vraiment le petit. On se dit on suit l’actualité de la ruche. Il y a les pots de miel. Ça, c’est la petite cerise sur le gâteau. Vous avez parrainé pour sauver des petits pots de miel qui sont donc traçables, issus du rucher parrainé. Alors pas de la ruche, bien sûr, c’est un pot commun, issu du rucher parrainé. Vous savez qu’il est traçable. Vous savez que c’est du miel, et 100% miel d’origine France. Donc ça, c’est super important. Et on vous propose chaque année, donc entre Mars, souvent ça démarre en Mars, et ça se clôture en Octobre. On vous propose d’aller rencontrer votre apiculteur. On clôture comme ça l’engagement. C’est une rencontre avec l’apiculteur sur le rucher parrainé. Souvent, on propose de venir dès midi. On propose à chacun de ramener du sucré, du salé.

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu :   Comment dois-je réagir à une piqûre d’abeille ?

On fait un pique nique aux abords du rucher, puis ensuite, on enfile des tenues de protection, et avec l’apiculteur, on va voir les ruches, ouvrir les ruches, il explique Il montre un petit peu l’organisation de la colonie, la reine, les ouvrières, les bourdons, etc, tout cela. Et puis, il y a une essence qui va s’opérer entre les parrains, marraines, les enfants et l’apiculteur. C’est là où il va secouer son rôle de sensibiliser les acteurs autour de la protection des abeilles. Quel rôle ont joué les parrains? Qu’est ce qu’ils ont permis clairement de financer? Etc. Etc.

Guillaume: D’accord.

Apprendre les bons gestes aux particuliers pour aider les abeilles

Zakia: Et de manière un peu plus ludique. Régulièrement, on partage des petites actions que chacun peut mettre en place. Tout à chacun peut mettre en place chez soi, pour préserver la faune, la flore, sans forcément accentuer sur les abeilles. Mais quel type de floraisons mettrez- vous dans votre jardin? Évitez les tentes trop régulières, bannir, bien évidemment, l’utilisation d’herbicides dans les jardins, c’est bon, c’est terminé ça depuis longtemps.

Des belles prairies, laisser des petits coins à serres fleuris dans le jardin. Laissez les marguerites tranquilles dans l’inter saison, elles jouent un rôle pour les abeilles qui est juste primordial de transmission de nectar à la belle floraison de printemps.

Rucher près des montagnes

Voilà, c’est toute cette sensibilisation là et ces petits gestes. Vérifiez quand vous êtes en magasin, vérifiez, lisez les étiquettes de vos pots, rentrez dans le détail. Vous n’arrêtez pas à la belle image d’une apicultrice avec un drapeau bleu blanc rouge. Souvent, ça cache des origines. Maintenant, on a l’obligation de mettre les origines depuis 2021. Des distributeurs de miel ont l’obligation d’indiquer le type d’origine par en plus, par niveau d’importance en pourcentage. Donc, regardez, lisez les étiquettes. Et puis, privilégiez les circuits courts. Allez acheter en marché auprès de votre apiculteur du secteur, etc. Ça vaut pour le miel, ça vaut pour les fruits et légumes, ça vaut pour plein de produits dont on sait qu’ils sont importants et qu’aujourd’hui, on ne peut pas décemment consommer des fraises en plein hiver, etc.

C’est juste un éveil des consciences, donc on partage ces bonnes pratiques que tout un chacun peut mettre. C’est-à-dire, vraiment, c’est juste un réveil des consciences.

Guillaume: Oui, juste un réveil. OK. Et, concrètement, si une personne veut parrainer une ruche, elle vous contacte et après donc elle s’engage pendant un an, elle peut choisir la région?

Zakia: Donc tout se fait depuis le site Internet, alors, elle peut nous contacter, notre téléphone est mis à disposition, on a un chat en ligne, etc. Mais de manière très très simple, et finalement, en trois clics, elle peut parler sur le site. Donc, quand vous êtes sur le site www.untoitpourlesabeilles.fr  , vous avez deux boutons: « je suis un particulier, je parraine », « je suis une entreprise, je parraine ». Donc vous cliquez en tant que particuliers sur « je parraine » vous arrivez tout de suite sur notre cartographie de tous les apiculteurs de France, donc où sont installés nos ruchers. L’objectif étant d’inciter le parent à aller cliquer sur l’apiculteur le plus proche de chez lui.

Guillaume: D’accord

Le prix du parrainage: plusieurs formules

Zakia: Pourquoi? Parce qu’on propose ses animations, ses journées d’immersion au sein des ruches et qu’on propose surtout de consommer un miel local.

Donc, vous allez choisir votre apiculteur, puis vous allez choisir le nombre d’abeilles que vous souhaitez parrainer. Dans une ruche, on estime que la moyenne, c’est 40.000 abeilles, c’est vulgarisé. Mais on estime qu’il y a à peu près 40.000 abeilles. Vous pouvez parrainer un vingtième de la ruche, soit 2.000 abeilles, pour 4 euros 50 par mois, et vous recevrez 3 pots de miel personnalisés en 250 grammes, plus tout le suivi pédagogique et de sensibilisation qui fait partie du package, la journée d’animations, etc, etc. Donc, vous choisissez le nombre d’abeilles et vous allez ensuite compléter vos coordonnées pour la livraison des pots de miel et clôturer votre parrainage via le paiement en ligne. Vous pouvez payer en  plusieurs fois.Donc, si vous avez notamment un petit budget, c’est de se dire que dès 4 euros 50 par mois pendant un an, vous êtes parrain, vous faites une action. Donc, le prélèvement bancaire, c’est cette modalité en 12 fois, on l’a mise en place vraiment, parce qu’on avait de plus en plus de parents qui disaient j’ai pas un gros budget, mais je voudrais participer à l’effort de guerre, de la préservation de notre biodiversité.

Eh bien, on a choisi une formule plus petite, sur laquelle il y a un petit peu moins de pots de miel, mais sur laquelle vous vous engagez, vous avez tout ce contenu, vous bénéficiez du même contenu que que les autres et vous allez vivre ça. Donc voilà.

Guillaume: C’est vraiment génial. Et est ce qu’ il y a aussi des apiculteurs qui sont dans les DOM-TOM?

Zakia: Non, pas encore. On a été approchés par les DOM-TOM. On a à cœur quand même de rencontrer nos apiculteurs quand on les intègre, on veut s’assurer quand même qu’ils sont en phase avec nos valeurs.

Nous, on est une entreprise à mission pour information. Il en existe à peu près 300 en France, je crois d’entreprises a mission. Les entreprises, la mission, c’est les entreprises qui mettent notamment la protection de l’environnement au cœur même intrinsèque de ces projets dans tout le cursus, de la mise en place de ce projet là. Et notre raison d’être, c’est d’être une entreprise bonifiante, à la fois pour la biodiversité et pour la nature, mais aussi pour les hommes. Donc, on veut s’assurer, en fait, que lorsqu’on intègre un apiculteur, on l’intègre avec ces valeurs-là. Donc on a vraiment à cœur de se dire qu’il faut quand même le rencontrer et qu’on puisse s’assurer que dans sa pratique apicole, on est en phase. Souvent, quand on évoque un toit pour les abeilles et quand on évoque notre écosystème, notre projet, beaucoup d’apiculteurs s’interrogent; mais où est le petit truc caché ? ou est la petite ligne qu’on n’a pas lu, qu’on n’a pas vu?

Il n’y en a pas, il n’y en a pas. Alors oui, on est une entreprise. Oui, on est financés par des parrains. 90% de la valeur du parrainage repart dans le réseau, donc…

créateur un toit pour les abeilles

Guillaume: Les coups de structure de 10% ?

Zakia: Moins que ça encore. Ils sont 4%, pour information. Puisqu’en fait derrière, vous avez la logistique, c’est nous qui prenons en charge. Ce n’est pas l’apiculteur qui prend en charge la logistique. C’est nous qui envoyons à l’apiculteur l’intégralité des colis, cartons, etc, palettes et tout ça pour préparer sa palette. L’apiculteur ne s’occupe que de la mise en pot et s’occupe des abeilles. C’est ça son métier, c’est son savoir faire. On ne peut pas lui imposer un autre savoir-faire que le sien. Donc, on prend en charge. C’est nous qui étiquetons, c’est nous qui imprimons les étiquettes personnalisées des parrains. Donc, on a ce coût d’impression, etc. Et on a une grosse partie qui repart, alors on paye des primes d’installation.

Chaque ruche installée, chaque nouvelle ruche installée chez l’apiculteur, c’est une prime forfaitaire à l’apiculteur qu’on lui paye en plus, en plus du coût du miel à hauteur de 25 30 euros du kilo.

Donc vraiment, c’est se dire. La seule chose dont on vous demande de vous préoccuper, c’est des abeilles, et de votre cheptel, de vos ruches, etc. Du mieux possible, on accompagne beaucoup d’apiculteurs en transition vers le bio. Donc, on finance cette transition vers le bio qui coûte un peu cher à l’apiculteur, donc on participe à cela. On participe aussi aux grandes pertes. Alors, même si on sait que lors de lourdes pertes, ça a été le cas en 2021, on a beaucoup d’apiculteurs qui ont déclaré la calamité apicole. On sait que les recours auprès du gouvernement sont longs, que les enveloppes financières dégagées sont très petites et qu’un apiculteur, en fait, il n’a pas le temps de recevoir, si vous voulez l’enveloppe relancée.

A la sortie de l’hivernage, la saison s’ enclenche. Il lui faut absolument de quoi pouvoir acheter des essaims s’il a besoin d’essaims, racheter des ruches s’il a besoin des ruches. Acheter du matériel apicole, petits ou grands, s’il a besoin de racheter du matériel et c’est cela qu’on finance. Donc on dégage aussi des enveloppes d’aide en soutien aux apiculteurs qui sont très impactées, qui ont l’obligation de se relancer pour la saison prochaine. L’objectif, pour nous, c’est surtout de ne pas voir un apiculteur mettre la clé sous la porte. En tout cas, pas un apiculteur ni un toit pour les abeilles, donc on fait très attention à ça.

Guillaume: D’accord. La relation est vraiment très forte, c’est quasiment communautaire, en fait.

Relation de confiance entre un toit pour les abeilles et les apiculteurs

Zakia: Ça l’est, ça l’est. On est très fiers. C’est à dire qu’aujourd’hui, nos apiculteurs, on est en train de leur demander de réaliser des témoignages autour de ce que leur apporte un toit pour les abeilles. Et c’est super valorisant.Se dire qu’ils sont libres, ils disent ce qu’ils veulent, il n’y a pas de… Pour vous dire, on a aucun contrat signé avec nos apiculteurs, si ce n’est la charte de bonne conduite, mais on n’a pas de contrat qui dise « on vous achète le miel à temps » etc. C’est une relation de confiance.

Si elle est rompue pour x raison, on l’a déjà rompue par le passé auprès d’un apiculteur qui a du jour au lendemain, alors c’est assez peinant puisque c’était un apiculteur âgé en plus, qui a décidé de contracter avec  des agriculteurs dans le cadre de services de pollinisation, sans encadrer ce service. Donc, les agriculteurs répandent des pesticides sur des vergers et ensuite viennent y installer des ruches, comme on a pu voir des images, notamment aux Etats-Unis, sur les amandiers californiens.

Guillaume: Exactement.

apiculteur visite ses ruches

Zakia: J’ai eu cette image là qui m’est venue en tête, c’était juste dramatique. Et quand on en a parlé à l’apiculteur, il m’a expliqué gentiment que c’était un contrat d’opportunité pécuniaire, financier, et qu’il ne pouvait pas le refuser. Eh bien, il s’est passé d’Un toit pour les abeilles puisque on a rompu la relation et on a tout stoppé puisqu’on ne pouvait pas accepter que dans une relation où on donne énormément à nos apiculteurs, on puisse avoir c’est…pour nous, c’était un coup d’épée dans le dos. Très concrètement, donc, c’est savoir aussi s’exprimer auprès de nos parrains, leur dire voilà ce qui s’est passé en toute transparence. Ça en fait partie.

L’homme est ainsi fait, il est perfectible , et parfois, il y a des dérives humaines. Par contre, on ne peut pas les tolérer. On ne peut pas les tolérer dans notre démarche. Et même si l’apiculteur nous a dit c’est un contrat unique et je l’ai fait qu’une fois. Ce n’est pas possible, intrinsèquement , tu as perdu les valeurs d’Un toit pour les abeilles. On ne peut pas te suivre dans cela.

Non pas qu’on va entacher la réputation d’Un toit pour les abeilles, qui le sait finalement, à part nous. Mais on ne l’accepte pas, parce que ça veut dire que potentiellement, tu as mis à mort des abeilles et en ton âme et conscience, tu la fais parce que tu avais un gain. Donc ce n’est pas possible. En fait, on a vraiment une relation très, très forte avec nos apiculteurs dans le bon sens du terme, entre guillemets. On valorise nos abeilles et les hommes, et les femmes d’ailleurs.

Guillaume: Et justement, donc, là il y a 100 apiculteurs?

Zakia: 100 apiculteurs, sur toute la France et deux apiculteurs en Belgique.

Guillaume: D’accord. Et les amateurs? Est ce qu’un amateur peut s’engager auprès de Un toit pour les abeilles?

Zakia: Aucun souci. Le terme amateur est mal choisi pour des apiculteurs.

Si l’histoire de l’apiculture vous intéresse, je vous recommande de lire cet article

Guillaume: Oui, parce que « amateurs » et « professionnels » c’est des termes qui ne devraient même pas exister. Dans tous les cas, on prend au sérieux les abeilles.

Différences entre apiculteur amateur et apiculteur professionnel

Zakia: On peut éventuellement parler de taille de cheptel éventuellement, puisque pour moi, ça rentre en jeu dans le domaine.

Professionnelle, c’est qu’on en fait son métier, son métier unique, amateur, aujourd’hui, c’est qu’on l’a en parallèle d’une activité professionnelle autre. Sauf que quand on parle d’amateurs, quand on parle d’apiculteurs amateurs, on sous-entend que c’est un apiculteur qui ne sait pas pratiquer dans les règles de l’art de l’apiculture. Or, ce n’est pas le cas. On a énormément, pour information, d’apiculteurs amateurs qui respectent la Charte, qui sont dans des pratiques, mais au contraire, qui rentrent peut-être même plus dans le détail. Je trouve qu’il y a un aspect en tout cas de prise de connaissance du métier, avec l’évolution actuelle des choses, ce qui est plutôt bénéfique, donc très bien, au contraire.

La seule chose qu’on exige quand on rentre dans le réseau Un toit pour les abeilles, c’est la bonne pratique. Ça, on s’en assurera auprès de vous, bien évidemment au préalable. Et c’est ensuite d’avoir une taille de cheptels suffisante qui permette de se dire qu’on peut mettre nous, en moyenne, une dizaine de ruches en parrainage et qu’on pourra fournir à ses parrains.

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu :   Interview #1 - Pascal - Menace du frelon asiatique

Donc, on estime que c’est notre calcul, entre guillemets un peu rapide mais c’est comme ça, que pour une ruche parrainée, vous devez en avoir 3 en production. Donc, pour 10 ruches en parrainage, vous devez avoir 30 ruches sur cheptel. Pour pouvoir se dire que si on a des ruches qui produisent moins que d’autres, on pourra les prendre sur le panier commun sans perturber les abeilles. L’objectif, c’est de leur laisser suffisamment de ressources. Dans le parrainage, on prélève en moyenne 12, 13 kilos sur la ruche qu’on va fournir aux parrains. Sur une ruche, vous récoltez en moyenne, si tout se passe bien, 25, 30 kilos quand c’est très bien, etc.

Donc on se dit qu’on prélève une partie, mais que le reste est bien laissé aux abeilles. Et c’est ça le cercle vertueux. C’est de se dire qu’au final, on ne ponctionne pas la totalité des ressources des abeilles, il n’y a pas d’intérêt à faire ça. Donc voilà, la seule différence, c’est qu’on demande. On a beaucoup d’apiculteurs amateurs d’ailleurs qu’on accompagne vers les professionnels.

ruche avec un toit ouvert

Donc on a beaucoup d’apiculteurs qui ont commencé avec 30 ruches, puis 50, puis nous ont demandé des aides pour des transitions vers… Le temps, de bien faire une rupture conventionnelle et de s’installer en professionnel et d’être aidé dans le financement de l’équipement, etc. Et donc quand je vous dis qu’on a une grosse partie 90% qui repart dans le réseau, c’est qu’on participe également au financement de cette transition vers le professionnel. On a un apiculteur en ce moment même qui passe en professionnel et qui va en faire son cœur de métier. Qui est passionné par ça, qui a découvert ça en amateur et qui aujourd’hui, passe en professionnel. On est ravis de ça, puisqu’on a participé à faire de peut être ce loisir, en tout cas, au démarrage, un loisir-passion, un métier-passion.

Guillaume: D’accord. Je suis surpris que les amateurs puissent le faire. Je suis surpris et heureux de l’entendre. Merci.

Zakia:Je vous en prie.

Comment se développe un toit pour les abeilles ?

Guillaume: J’ai deux dernières questions à vous poser, sur un peu en ce moment, comment se passe le développement d’Un toit pour les abeilles?

Avec l’année 2021 qui était compliquée, est ce que c’était compliqué également pour votre entreprise? Est ce qu’il y a eu des incompréhensions de la part des des parrains et marraines?

Zakia: Alors nous, la situation COVID, la crise sanitaire COVID, on l’avait vécu vraiment en deux temps. Première période 2020, confinement, etc. On a vu, on a perdu tout ce qui était soutien, associés, alors tout ce qui était entreprise associée à l’hôtellerie, la restauration, l’événementiel. Pas de salons, pas d’événements, etc. Pas d’opération marketing et forcément, fermeture des hôtels et restaurants.

Donc, on a perdu en moyenne, je crois si je ne dis pas de bêtises, à peu près 30% de nos soutiens entreprises. Donc, ce n’était pas rien. Pour nous c’était une première. C’est assez difficile. Par contre, on a eu un vrai élan du particulier où là, on a eu une espèce de prise de conscience, qu’il était en train de se passer quelque chose et qu’il fallait réagir. Ça a été assez agréable de se dire que, par contre, le grand public, lui, s’interrogeait sur ce qui était en train de se passer et j’ai eu cette impression qu’il mettait en face du COVID et de la crise sanitaire, peut être même un espèce de ricochet de Dame Nature, qui nous prévenait que l’impact humain avait généré quelque chose de néfaste sur la planète.

Donc, on a eu pas mal d’engagements et finalement, on a réussi, sur 2020 en tout cas, à avoir une balance positive, c’est-à-dire à perdre 30% sur l’entreprise, mais à récupérer 30% sur le particulier. C’est super.

On a eu, sur la deuxième partie, donc sur cette deuxième année de COVID, là, on a eu un vrai désengagement du particulier. Et ça, c’est assez triste. Je pense que c’est vraiment associé au fait effectivement que là, ça fait deux ans qu’on est en crise. Qu’on voit plein de hausses. Hausse Gasoil, je parle de celle ci, mais il y en a plein d’autres. Plusieurs hausses se suivent les unes derrière les autres. On a l’impression qu’on va sortir de cette crise, mais ça fait deux ans qu’on y est. Donc on s’interroge, va-t-on réellement en sortir? Et que, du coup, le parrain refreine un peu plus à s’engager sur un projet qui n’est pas jugé essentiel, à date.

logo un toit pour les abeilles

Donc, aujourd’hui, le parrain, le public, en tout cas, se focalise plus sur ses ressources à lui, alimentaires notamment et autres. Il fait attention. Donc on est plutôt sur des économies. Par contre, on a un regain sur l’entreprise, notamment hôtellerie, restauration et événementiel qui nous avait quittées, reviennent.

Chez Un toit pour les abeilles, on a cette force que ceux qui s’engagent chez nous restent, on a un fort taux d’engagement, c’est assez agréable.

On a dû pallier, mine de rien, on avait quand même dû pallier des pertes. Aujourd’hui, on s’engage à prendre le miel de nos apiculteurs. Quand l’apiculteur, hier, vendait à Un toit pour les abeilles, je ne sais pas 40 ou 150 kilos de miel. Du jour au lendemain, on a eu moins d’engagement de nos parrains particuliers et entreprises, il a fallu se dire il faut trouver des pistes, des voies de passage pour se dire qu’on va quand même payer l’apiculteur. On lui promet un salaire.

Même s’il n’y a pas d’engagement écrit. Lui s’attend, d’année en année, à vendre ses 150, 200, 300 kilos de miel. Donc, on a quand même récupéré le miel, nous un toit pour les abeilles, et on s’est dit qu’on allait peut être trouver des voies de passage différentes pour pouvoir écouler ce miel. On a notamment fait des bonbons mielline, qu’on a pu proposer à la vente d’entreprises, etc, sur des opérations à grande échelle. Donc on a fait des bonbons au miel, on a vendu du tout petit pot de miel, on a mis ça en coffret, etc. Donc on a trouvé, mine de rien, des voies de différenciation qui nous ont permis, quand même, de continuer à payer un revenu à nos apiculteurs. C’est là la force d’Un toit pour les abeilles…

Guillaume: Vous êtes créatifs.

Trouver de nouvelles opportunités pour développer un toit pour les abeilles

Zakia: Alors, on essaye en tout cas d’être. Et c’est surtout qu’on ne rentre pas dans une spirale infernale. On essaie toujours de rester positifs et de  transformer tout ce qui est complexité ou problématique en espèce d’opportunité. De se dire est ce qu’il n y a pas une voie de passage sur autre chose, pour continuer? Et on garde toujours en rétrospective nos abeilles et nos apiculteurs.

Et ça, c’est essentiel. Donc, ça nous donne l’envie. Ça nous donne cette espèce de caractère combatif, mais positif, bien évidemment. Donc voilà, tout va bien entre guillemets, on a réussi à pallier au manque de soutien.

Pour autant, il est temps qu’on sorte de la crise. Il  est vraiment temps qu’on en sorte.

Guillaume: Oui, trop d’incertitudes. Donc, vous m’avez dit que le but c’est de trouver, un trait à tous ces problèmes en apparence, les opportunités. Quels sont justement les projets, les nouveaux axes de développement d’Un toit pour les abeilles? Ce que vous pouvez partager.

Zakia: Alors, nous depuis 10 ans, 11 ans maintenant, on préserverait l’abeille à miel, et on s’est questionnés quand même sur est ce qu’on ne va pas au bout d’un moment, si l’initiative prend un impact fort, justement participer au déséquilibre dont je vous parlais initialement en préambule. Et donc, ça fait 2 ans maintenant qu’on se focalise également sur l’abeille sauvage. On a deux projets annexes, on est sur Un toit pour les abeilles et la protection des abeilles à miel, en colonies, plutôt en milieu rural, et les dorloteurs d’abeilles qui est un projet annexe à un toit pour les abeilles. Protection de l’abeille sauvage, plutôt en milieu urbain. Ce sont des espèces de dorlotoires, qu’on installe chez soi, balcon, jardin, etc.

essaimage abeilles ruche

Dans lequel on a des espèces de tubes, notamment des tubes translucides dans lequel on voit tout le processus de nidification des abeilles. Les abeilles sauvages, ce sont des abeilles qui ne font pas de miel. Donc, ils ont un intérêt moindre si vous voulez, en tout cas psychologiquement, un intérêt moindre que les abeilles à miel, mais qui ont un vrai rôle de pollinisatrices dans la nature, ce sont les championnes de la pollinisation. Peut-être même davantage que les abeilles à miel, puisqu’elles sont toujours en situation où elles doivent récupérer rapidement du nectar et s’en retourner à la ruche pour préserver leur maison, leur tube. Et donc, en fait, elles pollinisent rapidement et elles s’en retournent à la maison. Elles accélèrent leur processus pour aller préserver leur maison qui n’est pas préservée, comme celle des colonies d’abeilles. Ou là, vous avez quand même des des gardiennes qui conservent la ruche. Elles ne piquent pas, ne produisent pas de miel et c’est injuste. C’est un vecteur de pédagogie, notamment pour les enfants, qui est phénoménal.

Donc on est en train d’installer, via les collectivités notamment, des dorlotoirs. Nous en tous cas dans notre engagement en mission, on souhaite en installer sur au moins une centaine d’écoles dans des établissements scolaires premier niveau, un premier et second niveau, pour se dire qu’en faite, il y a une pédagogie qui s’opérera auprès de ces enfants là, de sensibilisation autour de la biodiversité. Pas de risque, elles ne piquent pas, donc tout va bien.

On a aussi l’envie de se dire qu’on va axer, ce n’est pas encore fait, c’est des sujets d’évolution, mais on voudrait également se concentrer aussi sur la partie préservation des mellifères pour les abeilles. Aujourd’hui, en installe, on organise des plantations mellifères un peu partout en France, mais on souhaiterait créer une espèce d’initiatives d’envergure où on plante des mellifères un peu partout en France, sur des zones préservées sur lesquelles on va pouvoir installer des ruches, qui sont des mellifères bio, avec une rotation, qui permettent d’avoir des ressources tout au long de l’année pour les abeilles.

Et en fait, on convertit des hectares ex conventionnels en hectares de biodiversité pour les abeilles. Voila, avec un revenu fixe pour ces agriculteurs là qui vont participer à cet effort. Mais ça fait partie de ces engagements ou on se dit que finalement, il faut qu’on fasse évoluer les schémas de protection de la nature, et ça fait partie de sa, protection des abeilles sauvages, protection des abeilles à miel, plantations mellifères pour les abeilles, il y en aura d’autres a probablement.

Guillaume: D’accord. c’est bien de s’orienter également sur l’abeille sauvage. Parce que j’ai vu une donnée, il y a 100 espèces d’abeilles différentes en France.

Tenir compte des abeilles non mellifères présentes en France

Zakia: Exactement. Et nous,  on en connaît qu’une, l’abeille à miel. On la connaît parce qu’elle a un apport économique, et puis parce qu’elle produit du miel. Toutes les autres, les Osmies… Il en existe…

Guillaume: L’abeille coucou….

Zakia: Ouais, l’abeille charpentière…

Guillaume: L’abeille charpentières, l’abeille maçonne…

Zakia: Exactement.

Guillaume: Il y en a énormément.

Je vous invite à lire l’article sur l’abeille qui vous décrit les races et le mode de vie des abeilles

Zakia: Il y en a plein…Et les dorloteurs d’abeilles, c’est un de ces projets annexes à Un toit pour les abeilles nous a fait découvrir tout cela. C’est un sujet passionnant et puis voir en réel. Je vous en ai pas parlé, mais on voit tout processus de nidification, en fin de saison, quand arrive la période d’hivernage des abeilles.

Donc on va récupérer ces tubes, donc les dorloteurs, c’est comme ça qu’on les appelle. Ceux qui participent à cette action là, vont récupérer les tubes, pour nous les renvoyer. En local, on récupère l’intégralité des tubes qu’on compte classifier. Et au moment de la nouvelle saison, on va réexpédier en local auprès du dorloteur initial et auprès de 2 ou 3 autres dorloteurs du secteur. Donc, on va démultiplier le repeuplement local des abeilles souches locales du secteur.

Et ça, c’est super intéressant de se dire qu’en faite, on est plus dans l’importation, ce qu’on peut voir sur la partie abeilles à miel hélas où on est sur l’hybridation, bien que nous dans notre projet Un toit pour les abeilles, on a beaucoup d’abeilles locales et on travaille avec de l’abeille locale, même si c’est encore compliqué dans l’un des conservateurs de l’abeille noire. On peut comprendre aussi bien que dans les pratiques apicoles, certains apiculteurs avaient besoin, je ne pointe ça du doigts, j’alerte juste sur l’attention aux grandes dérives qui peuvent avoir des impacts nocifs et dérégler notre biodiversité.

On a des abeilles rustiques. Nos abeilles locales sont rustiques, adaptées à nos terroirs. Et c’est vrai que respecter la rusticité de nos abeilles locales, c’est aussi finalement conserver une une longévité de ses abeilles là souches, plus grande, plus importante.

En tous cas, les abeilles sauvages. On a vraiment focalisé sur le repeuplement d’abeilles en local et ça, c’est super important se dire qu’on va repeupler localement et que dans notre projet de mellifères également, on va se focaliser sur quel type de mellifères en local pour ne pas dérégler les faunes locales et les flores locales et se dire que on va régénérer du positif, mais intelligent.

Guillaume: Merveilleux. C’est impressionnant, l’engagement que vous avez l’intégrité, mais également le fait que vous vouliez créer une relation dans le temps qui soit pérenne et pas du on fait juste ça une fois, et après au revoir.

Zakia: C’est très gentil. C’était vraiment l’envie, de créer quelque chose de vertueux de bout en bout et finalement, on a une fierté à le faire et dans notre engagement quotidien, même je vois l’équipe au fil des jours, c’est un vrai engagement et une sincérité qui se retranscrit au quotidien dans nos façons de travailler, dans notre engagement, dans notre envie de voir perdurer l’initiative. Donc, oui, c’est vrai, c’est vertueux et cette vertu nous engage encore plus.

Guillaume: Magnifique. Merci beaucoup Zakia.

Zakia: Je vous en prie, avec plaisir.

Guillaume: C’était un grand plaisir d’échanger avec vous.


Partagez cet article !