En France, l’apiculture, cet art ancestral de l’élevage des abeilles, a toujours eu une place particulière dans notre pays. De ses origines mystérieuses aux innovations contemporaines, l’histoire de l’apiculture en France est riche et fascinante.
À travers cet article, je vous propose de voyager dans le temps pour explorer cette pratique millénaire, comprendre ses évolutions et saisir les défis auxquels elle fait face aujourd’hui dans l’Hexagone. Préparez-vous à un voyage au berceau de l’apiculture jusqu’aux ruches modernes de la France d’aujourd’hui.
Cet article participe à l’événement « la France dans l’Histoire » du blog Hauteur de France. Ce blog a été créé par Julien, un pilote de ligne passionné d’histoire. J’aime particulièrement son blog, car ses articles partent tous d’une photo d’un de ses vols pour ensuite nous plonger dans l’histoire de notre belle France. Il m’aide à prendre du recul sur notre histoire afin de mieux comprendre notre présent.
Aux origines de l’apiculture
La récolte de miel
Les premiers signes connus de la consommation du miel par l’homme remontent à 7.000 ans avant Jésus-Christ.
Une peinture rupestre dans les grottes de l’araignée (Cuevas de la Araña) située près de Valence en Espagne représente une personne récolter du miel dans une cavité en s’aidant d’une corde.
On peut bien sûr penser que cela fait bien plus de 9.000 ans que l’homme a commencé à récolter le miel, mais nous n’avons pas trouvé de traces plus anciennes.
L’élevage d’abeille : l’apiculture
Les abeilles ont été tardivement domestiquées dans des ruches par rapport à la révolution agricole qui s’est produite à partir de 10.000 ans av. J.-C.
Les premiers signes d’élevage des abeilles ont été trouvés sur des bas-reliefs du temple solaire d’Abou Ghorab en Égypte, datant de 2.500 ans av. J.-C.
L’objectif de l’élevage d’abeille (apiculture) est de permettre à l’homme de sédentariser des essaims d’abeilles, d’avoir le contrôle sur elles, d’optimiser sa récolte et de comprendre comment les abeilles se développent.
Histoire de l’apiculture en France
Les premières traces de l’apiculture en France
C’est à partir du Moyen Âge que nous avons les premières traces de l’apiculture en France.
C’est une ordonnance de Charlemagne, datée de 799, le Capitulaire De Villis qui fait cette référence
À cette période, les ruches étaient faites de paille, habitées par des abeilles issues d’essaims capturés dans la nature
Néanmoins, de l’Antiquité jusqu’au XVIIe siècle, les connaissances étaient très rudimentaires sur la compréhension de la vie et de l’organisation d’une colonie d’abeilles.
Les grandes découvertes sur les abeilles
XVIe siècle
L’agronome français Olivier de Serres écrivait à la fin du XVIe siècle :
« La ruche de mouches à miel est un vrai modèle d’une République bien policée, où chacune abeille & toutes en général (…) obéissent à un Roi, lequel par toutes les abeilles est suivi »
Les connaissances de ce siècle supposaient que la ruche était gouvernée par un roi.
XVIIe siècle
Au début du XVIIe siècle, un nouvel outil, le microscope, vit le jour.
Ce fantastique développement dans le domaine de la vision nous a permis de mieux comprendre le monde des abeilles, notamment comment elles vivent dans la ruche et les différentes castes, comme celui de la reine, des faux-bourdons et des ouvrières.
C’est alors qu’on a réalisé que ce qu’on croyait être le roi des abeilles était en réalité une reine, une réalité qui a surpris beaucoup à l’époque.
XVIIIe siècle
C’est le siècle de l’accélération des grandes découvertes sur l’anatomie des insectes.
Dans l’Europe entière, de nombreux savants cherchèrent à mieux comprendre la physiologie de l’abeille domestique et son comportement.
René-Antoine Ferchault de Réaumur né à La Rochelle en 1683 et mort en 1757 était un scientifique qui a écrit sur les insectes. Il s’est concentré sur les abeilles, décrivant leur anatomie et comportement. Ses travaux ont posé les fondations de l’étude moderne des abeilles et des insectes.
Utilisation du symbole de l’abeille
Pendant longtemps, les gens ont admiré et discuté intensément de la manière dont les abeilles vivent ensemble en harmonie. Leur façon de s’organiser est si impressionnante qu’elle a souvent été vue comme un exemple pour nos propres communautés.
Napoléon Bonaparte a même adopté l’abeille comme symbole, car elle évoque la vie éternelle et le renouveau.
Évolutions de la pratique de l’apiculture en France
Les premières ruches en France
Les premières ruches créées par l’homme ont été des troncs d’arbres creux, comme les ruches des Cévennes. Ce sont des ruches dans des troncs de châtaignier et fermées par des pierres en lauze, ces ruchers ont parfois jusqu’à 300 ans.
Ces troncs d’arbres creux, ou ruche tronc étaient ensuite installé sur des parcelles de terrain, l’apiculteur attirait un essaim ou prenait un essaim d’une ruche sauvage et l’installait dans cette ruche tronc. Il existe des apiculteurs qui continuent de faire perturber cet art de la ruche tronc.
D’autres matériaux étaient utilisés pour fabriquer les ruches comme la paille, l’osier ou la terre cuite.
Ce type de ruche offre une isolation naturelle mais ne permet pas une récolte aisée du miel sans détruire la colonie.
Une évolution très lente
Jusqu’au XIXe siècle, malgré des avancées en compréhension des abeilles, les méthodes d’apiculture restaient simples. Les ruches étaient faites de paille, de tronc d’arbres, d’écorce ou encore argile.
Pour récolter le miel et la cire, les abeilles étaient asphyxiées avec des mèches soufrées.
Ensuite, le miel et la cire étaient extraits, donnant un miel contenant des impuretés. Les colonies les plus productives étaient donc détruites pendant la récolte, laissant des colonies moins performantes. C’est une approche très contradictoire d’une sélection efficace ! 🤔
L’utilisation de la cire et du miel étaient importants à cette époque, car d’un côté, le miel était un des très rares apports en sucre, de l’autre, l’utilisation de la cire était très variée :
- Éclairage : fabrication de bougies et de cierges
- Pharmacie : confection de crèmes et d’onguents
- Menuiserie : fabrication d’encaustique pour entretenir et faire briller le bois
- Communication : production de pains de cire pour cacheter les lettres
La révolution apicole
Comme je l’ai précédemment écrit, l’apiculture a peu évolué de l’Antiquité jusqu’au XVIIIe siècle.
Les abeilles étaient élevées dans des ruches troncs, des paniers en osier ou encore dans des récipients en argile comme le faisaient les Égyptiens.
Le fixisme
Les rayons de cire étaient donc accrochés aux parois des ruches, il n’était pas possible pour l’apiculture de regarder les rayons de cire sans les casser. C’est ce que l’on appelle le fixisme, c’est-à-dire la pratique de l’apiculture à rayon fixe.
Le mobilisme
Or une nouvelle manière de pratiquer l’apiculture voit doucement le jour dès la fin du XVIIe siècle. Des ruches avec des rayons de cire mobiles apparaissent, c’est le mobilisme.
L’apiculteur est dorénavant capable d’ouvrir la ruche et de regarder individuellement chaque cadre afin d’observer le développement de la colonie et sa santé. Et cela, sans risquer d’abîmer les rayons de cire.
La ruche à cadre mobile sera vraiment diffusée au XIXe siècle grâce aux travaux du docteur Charles Paix Debeauvoys (1797 – 1863), de l’américain Lorenzo Lorraine Langstroth (1810 – 1895) et son ami le Français Charles Dadant (1817 – 1902).
Les prêtres apiculteurs
L’histoire de l’apiculture en France, notamment entre le XIXe siècle et la première moitié du XXe, a été marquée par la contribution notable des ecclésiastiques. Cette période a vu la figure du prêtre-apiculteur émerger comme un personnage emblématique des paysages ruraux français.
La fascination des ecclésiastiques pour l’apiculture repose sur plusieurs piliers.
D’abord, l’élevage des abeilles offre une opportunité de contemplation, alignée avec la spiritualité. De plus, d’un point de vue économique, il s’agit d’un moyen tangible d’accroître les ressources des paroisses. Sur le plan sociopolitique, ces prêtres voyaient en l’apiculture une riposte à l’exode rural et à la pauvreté.
Il faut noter que, pour certains d’entre eux, la ruche servait également de parabole pour une société idéale.
Outre la promotion spirituelle et sociale de l’apiculture, plusieurs prêtres se sont distingués par leurs contributions techniques et organisationnelles, notamment :
- L’abbé Warré, qui est renommé pour avoir conçu la « ruche populaire« , une ruche qui se veut plus naturelle et respectueuse des besoins des abeilles. Cette ruche est encore aujourd’hui couramment utilisée.
- L’abbé Voirnot, lui, a innové en créant une ruche adaptée au climat continental, facilitant ainsi l’apiculture dans certaines régions de France comme Thierry (lien)
- Enfin, l’abbé Sagot s’est également illustré par ses contributions à l’apiculture.
En parallèle de ces innovations techniques, les prêtres ont joué un rôle prépondérant dans la structuration de l’apiculture française, en fondant des sociétés puis des syndicats dédiés, renforçant ainsi la cohésion et la professionnalisation du secteur.
En somme, à travers leur triple casquette de spiritualité, d’innovation et d’organisation, ces ecclésiastiques ont laissé une empreinte indélébile sur l’apiculture française.
Les difficultés
À partir des années 1950, l’apiculture a connu de très nombreuses difficultés comme :
- Les changements des paysages agricoles en grande exploitation entraînant ainsi la raréfaction des haies, véritables lieux de vie pour les insectes et le gibier.
- la grande diffusion de la chimie en agriculture avec les pesticides et les insecticides néonicotinoïdes
- L’arrivée de varroa en 1982 en France, un acarien parasite qui cohabitait jusqu’à présent avec l’apis cerana, une abeille d’Indonésie, mais qui fait des ravages sur notre abeille locale, l’apis mellifera
L’apiculture aujourd’hui en France
En France métropolitaine, nous dénombrons 62 192 apiculteurs qui sont enregistrés en 2022.
Ce nombre d’apiculteurs se divise en 3 catégories :
- Les apiculteurs amateurs qui ont entre 1 et 49 ruches
- Les apiculteurs semi-professionnels qui possèdent de 50 à 149 ruches
- Et enfin les apiculteurs professionnels qui ont des cheptels supérieurs à 150 ruches
Apiculture professionnelle
L’apiculture en France compte 2 978 apiculteurs professionnels en 2022. Ces derniers possèdent 1 045 941 ruches, soit une moyenne de 351 ruches par apiculteur pro.
Apiculture amateur
La quasi-totalité des apiculteurs (56 571 en 2022) sont des amateurs, on peut appeler les apiculteurs de loisir, ils possèdent 491 837 ruches soit une moyenne de 8 ruches par apiculteur amateur.
Les apiculteurs semi-professionnels sont au nombre de 2 643 en 2022 pour un total de 218 261 ruches (82 ruches en moyenne)
La déclaration annuelle en tant qu’apiculteur est obligatoire, toutefois de nombreux apiculteurs ne s’enregistrent pas car ils ne voient pas l’utilisé de la démarche et il la trouve complexe.
Production de miel
La production annuelle de miel en 2021 est de 19 802 tonnes, une partie est exportée à l’étranger, alors que la consommation de miel en France est en moyenne de 50 000 tonnes.
Le taux d’auto-approvisionnement du marché français en 2014 était de 27 % seulement : la France importe en général entre 3/4 et 2/3 de ses besoins en miel
Ada france – Fédération nationale du réseau du développement apicole
Source : https://www.adafrance.org/le-marche-du-miel-en-france/
Structuration de l’apiculture en France
L’activité apicole s’est structurée afin de permettre une formation homogène et également les diffusions des nouvelles pratiques apicoles.
Le Syndicat National d’Apiculture
Le Syndicat National d’Apiculture (SNA) est une organisation française dédiée à la défense des intérêts des apiculteurs (professionnels et amateurs) et à la promotion de l’apiculture. Le SNA regroupe les syndicats d’apiculture, ce sont 109 antennes départementales comme le syndicat d’apiculture du Rhône, le rucher des Allobroges en Savoie …
Voici un aperçu de ses rôles et fonctions :
- Représentation des apiculteurs : Le SNA représente les apiculteurs au niveau national et peut parfois intervenir au niveau international. Il sert de relais entre les apiculteurs et les instances gouvernementales ou autres organisations professionnelles.
- Défense des intérêts de l’apiculture : Le SNA travaille à défendre les intérêts économiques, environnementaux et sociaux de l’apiculture en France.
- Promotion de l’apiculture : À travers différentes actions, le SNA promeut l’apiculture comme activité économique et comme élément essentiel à la biodiversité. Il sensibilise le grand public à l’importance des abeilles et des pollinisateurs en général.
- Formation et information : Le syndicat peut offrir des formations aux apiculteurs, qu’ils soient professionnels ou amateurs, et diffuse de l’information sur les meilleures pratiques en apiculture.
- Veille sanitaire : Le SNA s’implique également dans la surveillance des menaces qui pèsent sur la santé des abeilles, comme les maladies, les parasites ou les pesticides, et promeut des pratiques apicoles saines.
Les autres syndicats apicoles professionnels
La filière apicole française dispose d’autres structures syndicales
- UNAF : Union nationale de l’apiculture française
- FFAP : Fédération française des apiculteurs professionnels – FFAP
- SPMF : Syndicat des producteurs de miel français
Il existe des structures syndicales spécifiquement dédiées aux apiculteurs professionnels, car les activités professionnelles et les objectifs diffèrent significativement pour qu’ils puissent être regroupés sous un même syndicat.
L’ADA
L’ADA (Aide au Développement de l’Apiculture) est un dispositif français visant à soutenir et à promouvoir le secteur apicole du pays. Grâce à des financements et des actions ciblées, l’ADA encourage la modernisation des exploitations apicoles, la formation des apiculteurs, ainsi que la recherche et la préservation des abeilles. Cette initiative vise à renforcer la compétitivité de la filière apicole française tout en garantissant la sauvegarde de l’environnement et de la biodiversité.
Les défis de l’apiculture en France
L’apiculture d’aujourd’hui fait face à une série de défis cruciaux et ces problématiques nécessitent une attention soutenue pour garantir la pérennité de l’apiculture en France.
- Néonicotinoïdes : l’utilisation de ces pesticides affecte gravement la santé des abeilles, perturbant leur orientation et leur capacité à trouver de la nourriture.
- Varroa : Ce parasite menace les colonies d’abeilles, et sa gestion reste un défi majeur pour de nombreux apiculteurs.
- Frelon asiatique : Prédateur redoutable des abeilles, son expansion géographique constitue une menace croissante pour l’apiculture européenne.
- Concurrence déloyale : Les miels importés, souvent à bas prix, posent des problèmes en matière de qualité et d’authenticité, éclipsant les productions locales.
- Préservation des abeilles locales : La valorisation et la conservation de races d’abeilles endémiques, comme l’abeille noire, sont essentielles pour la biodiversité et la résilience de l’apiculture.
- Évaluation des phytosanitaires : Il est crucial de revoir et d’améliorer les méthodes d’évaluation des nouvelles molécules avant leur introduction sur le marché.
L’apiculture en France ne se limite pas à une simple histoire d’abeilles et de miel. C’est un récit complexe mêlant tradition, innovation et défi. Dès ses origines jusqu’à aujourd’hui, cette pratique a façonné la culture, l’économie et l’environnement français. Reste à nous, passagers temporaires de notre monde et de notre pays, de relever les défis contemporains pour que l’histoire apicole de la France continue.
Sources :
- https://www.adafrance.org/
- https://agriculture.gouv.fr/mots-cles/filiere-apicole
- https://www.cairn.info/revue-histoire-et-societes-rurales-2021-2-page-177.htm
- https://www.la-sca.net/
- https://www.inrae.fr
C’est fascinant de découvrir l’évolution de la récolte du miel. Comment a t’elle évoluée et l’importance de préserver les abeilles. J’ai la chance de pouvoir consommer de temps à temps du miel récolté par un apiculteur de mon coin.
C’est une des plus belles manières de consommer du miel !
[…] Article n°2 – L’apiculture en France : un voyage à travers le temps […]
Merci pour votre article, il est intéressant de connaitre l’histoire des abeilles et de l’apiculture. ça nous fait voyager dans le temps et voir l’évolution des ruches et ses différents techniques
Merci Vanessa 😀