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Dans ce nouvel échange avec Yves, nous allons parler plus en profondeur du varroa et notamment de ce qu’il sait en tant que chercheur et apiculteur sur cet acarien terrible qui est la cause de la varroose, un ensemble complexe de maladies.
Yves va nous partager ses conseils pour diminuer la pression du varroa et durer en apiculture.
Voici le lien vers notre premier échange avec Yves Le Conte
En préambule
Les apiculteurs avec qui j’ai eu le plaisir de discuter ont parfois des objectifs et des pratiques apicoles très différents. Vous allez découvrir leur histoire, leur passion pour les abeilles et leurs techniques.
Toutes les autres interviews sont disponibles sur cette page
Chaque apiculteur a ses petits secrets, ses petits trucs et nous avons la chance qu’ils nous les partagent !
Bonne écoute et bonne immersion dans leur passion
Retranscription de l’interview avec Yves Le Conte
Guillaume: Bonjour Yves.
Yves Le Conte: Bonjour Guillaume.
Guillaume: Merci beaucoup pour cette nouvelle interview. Quand j’ai écouté celle qu’on a eue en juin, vous aviez mentionné que vous aviez fait votre thèse sur le varroa parce qu’il venait d’apparaître. Il est apparu en 1983 et 1982 en France. Et donc, c’est à ce moment-là que vous avez passé votre thèse?
Yves Le Conte: Le varroa est apparu en 1982 et j’ai commencé en 1983.
Guillaume: Et après, quand j’ai vu l’ensemble des publications que vous avez faites, je suis allé sur le site Researchgate qui citait 450 publications avec votre nom. Il y en a qui portent sur le varroa, d’autres sur les modes de communication chez les abeilles, avec les phéromones. Donc, on peut dire que le varroa, c’était un de vos axes principaux de recherche tout au long de votre vie?
Yves Le Conte: J’ai commencé comme ça pour ma thèse, mais c’était dans le cadre de la thématique communication chimique, écologie chimique. C’est pourquoi je me suis ensuite intéressé à la communication entre les abeilles. J’ai continué dans ces deux axes pratiquement pendant toute ma carrière. Et pourquoi le varroa? Parce que je faisais un DEA de génétique des populations et le varroa arrivait en France. La génétique des populations, telle que je l’avais vue, m’avait un peu déçu car c’était principalement de l’informatique. Moi, je suis plutôt un naturaliste et ça m’avait vraiment déçu de ne faire que de l’informatique. Je me suis dit qu’il y avait peut-être une opportunité de trouver une thèse. Effectivement, c’était un bon plan. J’ai frappé à la porte du labo et ils m’ont pris. Voilà comment ça s’est passé.
Guillaume: D’accord. Donc, le varroa venait d’apparaître en France et est devenu une préoccupation à partir de ce moment-là.
Yves Le Conte: Oui, c’est exactement ça. Et comme j’avais des abeilles depuis douze ans et que j’étais toujours fasciné par ces colonies, je me suis dit que c’était peut-être l’opportunité de ma vie. Effectivement, ça l’a été.
Guillaume: Est-ce que politiquement, ils se sont emparés du problème du varroa ? Parce que là, j’ai un peu de recul avec le frelon asiatique et la prise de conscience qui doit se faire tôt. Et pour le varroa, est-ce que les politiques ont pris à bras le corps le problème assez tôt?
Yves Le Conte: Les politiques? Je ne sais pas. Je ne me rappelle plus trop à l’époque car on a trouvé très vite des solutions, en fait, qui étaient des solutions de chimie, avec le fluvalinate ou l’amitraze en micro-pulvérisation à l’époque. Ça a été une révolution en apiculture. Avant l’arrivée du varroa, on gérait les colonies beaucoup plus facilement. L’arrivée du varroa a été un tournant dans l’apiculture en France, car si on ne traitait pas nos abeilles contre le varroa ou si on ne faisait rien, nos abeilles mouraient. Et puis, quelques temps après, sont apparus les virus associés aux varroas, tous les virus qui tuent les abeilles. On s’est aperçu que c’était cette combinaison varroa-virus qui tuait les abeilles.
Guillaume: D’accord, donc la varroose, en tant que telle, un ensemble complexe de maladies, est apparue après?
Yves Le Conte: Oui, c’est ça. Au début, je m’en rappelle à Avignon, on pouvait avoir un nombre énorme de varroas dans les colonies et il n’y avait pas de couvain comme on peut le trouver maintenant, il n’y avait pas d’abeilles déformées. C’est quelques années après que ces symptômes sont apparus, probablement à cause d’une coévolution entre le varroa et ces virus.
Guillaume: Donc, ça a été un bouleversement dans l’apiculture de se dire qu’on allait utiliser des intrants, donc des produits chimiques dans la ruche, ce qui ne se faisait pas du tout avant.
Yves Le Conte: Non, ça ne se faisait pas, on l’avait fait avec les antibiotiques contre la loque américaine. Mais ça a été interdit car les antibiotiques ne doivent pas être utilisés à cause des phénomènes de résistance, notamment en santé humaine. Et donc on avait arrêté les antibiotiques. Et puis il y avait le bromopropylate à l’époque qui était utilisé contre l’acarien. Avant cela, on n’utilisait pas d’intrant dans nos colonies, on n’en avait pas besoin. C’était vraiment bien.
Guillaume: Oui, après, il a fallu convaincre l’ensemble des apiculteurs de l’importance de traiter contre le varroa. Encore aujourd’hui, il y en a qui disent « je ne traite pas ». On parlera de votre ruche en Sarthe que vous ne traitez pas depuis 1994, mais c’est une démarche différente. Mais oui, c’est une vraie révolution. Tout au long de vos recherches sur le varroa, quels ont été vos étonnements concernant sa prolifération, sa résistance? Qu’est-ce qui vous a le plus étonné sur le varroa?
Yves Le Conte: Sa prolifération ne m’a pas étonné car c’était un nouveau parasite de l’abeille et on n’a pas été vraiment surpris de voir que ça tuait les abeilles. Non, mon étonnement a été de voir la capacité qu’il avait de parasiter les abeilles, toutes les armes qu’il a développées. Au début, on ne savait presque rien sur sa biologie, sur cette parasitose, et il a fallu tout découvrir, du parasitisme le plus simple aux mécanismes les plus complexes de génomique, etc. Et finalement, ce qui est incroyable, c’est de voir à quel point cet organisme est adapté pour parasiter les abeilles de manière efficace. Cependant, il n’est pas adapté à long terme car il tue son hôte, ce qui n’est pas le cas avec Apis cerana. Donc, on se demande toujours quand l’équilibre avec notre abeille sera atteint, au point qu’on n’aura plus besoin de traiter.
Guillaume: C’est une relation déséquilibrée, car à partir du moment où il n’y a plus d’hôtes, le parasite ne peut plus exister.
Yves Le Conte: C’est pourquoi certains de mes collègues, notamment les Allemands, sont allés dans le sud-est asiatique pour essayer de comprendre pourquoi Apis cerana était résistante aux varroas, et ils ont trouvé pourquoi, du moins en grande partie.
Guillaume: Oui, en grande partie, car le cycle de couvain est plus court, l’opercule est plus épaisse et il y a aussi l’épouillage de l’apis cerana. La température de la ruche est également moins propice à la prolifération du varroa. Je me base à chaque fois sur le livre « Varroa et varroose » de la FNOSAD, que j’ai parcouru en long, en large et en travers. Mais il y a plusieurs espèces de varroa. Là, celui qu’on connaît, c’est le varroa destructor.
Yves Le Conte: On l’a confondu avec Jacobsoni au début et donc on a tous publié sur Jacobsoni. C’est un chercheur australien qui a montré que finalement, ce dont on avait hérité comme varroa, ce n’était pas Jacobsoni, mais une autre espèce, et il l’a baptisée destructor.
Guillaume: On dirait le titre d’un film, « Destructor ». C’est impressionnant, en tout cas, il a bien trouvé le nom, vu les impacts qu’il a.
En ce qui concerne les moyens de lutte, il y a les moyens de lutte chimique dont vous avez parlé. Il y a eu une autorisation de mise sur le marché d’un quatorzième traitement il y a quelques semaines, qui s’appelle Varroxal. Il y a aussi les traitements biotechniques avec le retrait du couvain mâle ou l’engagement de la reine. Bref, il y a tout un ensemble de méthodes qui ont été trouvées. Qu’est-ce que vous conseilleriez, parmi ces moyens de lutte chimique et biotechnique, à un apiculteur qui est débutant et qui aimerait bien savoir comment s’en débarrasser?
Yves Le Conte: D’abord, je lui conseillerais de vraiment traiter ses ruches, car il risque de les perdre. Ensuite, les outils qu’il a à sa disposition dépendent de ses choix. Je sais que la lutte chimique fonctionne bien, notamment avec l’amitraze qui fonctionne encore bien. Le fluvalinate fonctionne une fois, mais il ne faut pas l’utiliser deux fois de suite, car les varroas deviennent résistants. Donc, à l’INRA, dans le rucher que je développe avec Didier Crauser, on traite avec un apivar car on n’a pas beaucoup de temps pour ça, et ça marche très bien. Cela reste des produits chimiques et c’est embêtant, car il y a forcément des résidus dans le miel, même si c’est en dessous des limites acceptables. Il y a d’autres outils comme l’acide oxalique, des choses comme ça qui sont beaucoup moins toxiques, beaucoup plus douces et qu’on peut utiliser. Mais habituellement, ça prend plus de temps. Donc, si on a du temps et qu’on veut utiliser des méthodes douces, on peut effectivement limiter l’utilisation de la chimie de synthèse pour utiliser ces méthodes-là. Mais dans ces cas-là, il faut du temps et aussi un certain savoir-faire.
Guillaume: J’ai toujours été étonné, car dans les quatorze traitements qui existent, il n’y en a aucun qui est considéré comme parfait. Souvent, il y a eu de belles promesses au début, mais dans la pratique, certains se sont révélés un peu complexes. Et à chaque fois, on retrouve les mêmes principes actifs, soit l’acide oxalique, l’acide formique, ou sinon la partie synthèse avec l’amitraze.
Yves Le Conte: C’est un pyréthrinoïde. Donc, dans la famille des pyréthrinoïde, il y en a plusieurs qui sont utilisés pour lutter contre le varroa. Celui dont on parle le plus, c’est le fluvalinate.
Guillaume: Donc, on tourne toujours autour des mêmes principes actifs dans les traitements.
Yves Le Conte: Heureusement, on a au moins deux principes actifs différents : l’amitraze et les pyréthrinoïdes, qui ont deux types d’action moléculaires différentes. Ce qui fait que lorsque les varroas sont devenus résistants aux pyréthrinoïdes, ils ne le sont pas encore à l’amitraze, du moins on pense qu’il y a peut-être quelques foyers de résistance, mais cela reste à démontrer définitivement. On ne pense pas que ce soit le cas pour l’amitraze. Et le fait d’avoir deux systèmes différents est très bien car avec l’amitraze, on tue les varroas qui sont résistants au fluvalinate et vice versa. En changeant tous les trois ou quatre ans pour le fluvalinate, on tue les éventuels résistants à l’amitraze. C’est une chance d’avoir ces deux molécules car cela nous permet d’alterner.
Guillaume: D’accord. Et concernant les colonies VSH (Varroa Sensitive Hygiene), vous avez dit que dans votre ruche en Sarthe, ce sont des colonies que vous avez développées.
Yves Le Conte: Que j’ai développées dans le passé. Maintenant, comme je suis à la retraite et qu’il n’y a plus de programme financé là-dessus, j’ai mis ça un peu au repos. Mais j’ai toujours effectivement des colonies là-bas qui ne sont pas traitées depuis très longtemps. Et parmi les explications possibles pour la résistance, il y a le fait qu’elles sont effectivement VSH, mais elles ne sont pas que ça, elles essaiment aussi, ce qui leur confère une certaine résistance. Le mécanisme VSH est un mécanisme parmi d’autres qui peut amener à des populations d’abeilles résistantes.
Guillaume: Oui, et vous avez dit que c’est peut-être la voie qui permettra de sauver l’apiculture.
Yves Le Conte: De sauver, je ne sais pas, mais de sélectionner des abeilles résistantes, oui. Pour l’instant, on pense que c’est une voie très prometteuse pour sélectionner des abeilles dans une population donnée.
Guillaume: D’accord. Et j’ai lu une citation dans un article que vous avez écrit : « Un aspect qui doit être pris en compte est que les populations d’abeilles apparemment résistantes aux varroas dans un endroit cessent parfois de l’être lorsqu’elles sont déplacées ailleurs ou soumises à des conditions environnementales différentes ou à des populations de varroas différentes. »
Yves Le Conte: Si vous sélectionnez des abeilles qui sont résistantes sur le critère VSH et qu’elles sont effectivement très VSH, elles le resteront si vous les déplacez. Cependant, le VSH fluctue aussi en fonction de la saison. Par exemple, lorsqu’il y a une miellée, les abeilles se concentrent sur la récolte du miel et deviennent moins VSH. Donc, si vous les déplacez, elles peuvent devenir moins VSH car si vous les déplacez sur une miellée, elles mettront plus d’énergie dans la récolte du miel que dans le développement du caractère VSH. Cependant, au niveau génétique, elles conserveront toujours ce caractère.
Guillaume: D’accord. Donc, si on les déplace, elles peuvent devenir moins VSH, mais elles conserveront toujours ce caractère génétique.
Yves Le Conte: Exactement. Alors que des colonies qui sont résistantes peuvent l’être sur le VSH, mais pas seulement. Cela peut être d’autres caractères et plusieurs caractères en même temps. Et si vous les déplacez dans un environnement bien différent, elles vont changer leur cycle de développement, elles vont changer tout un tas de choses et là, elles peuvent devenir plus sensibles aux varroas ou au contraire, plus résistantes. Par exemple, si dans le rucher d’origine, il y avait un blocage de ponte en hiver et que vous les déplacez dans le sud où il y a toujours du couvain en hiver, les populations de varroas vont continuer à se développer en hiver et votre colonie peut atteindre un seuil de parasitisme létal, alors que si vous l’aviez laissée sur place, ce ne serait pas le cas. C’est une question d’équilibre de parasitisme, de seuil de parasitisme. C’est pourquoi on fait des recommandations à l’automne de ne pas dépasser 5% d’abeilles adultes infestées. Si vous dépassez ce seuil, cela risque d’être létal pour la colonie.
Guillaume: D’accord. Et concernant l’état actuel des recherches sur le varroa, quel est le pays le plus en pointe dans ce domaine?
Yves Le Conte: Je ne dirais pas qu’il y a un pays meilleur que les autres. Il y a les pays européens, les États-Unis, le Canada et certains pays d’Amérique du Sud qui font de beaux travaux. Nous, en Europe, avons été un peu précurseurs car nous avons été les premiers envahis. Nous avons donc sorti un certain nombre de travaux avant les Américains car nous avons eu le varroa bien avant eux. Les Russes avaient également publié des choses intéressantes sur la biologie du varroa, qui ont été validées par la suite par d’autres études.
Guillaume: D’accord. Donc, c’est une collaboration entre les pays. Et est-ce que les syndicats partagent les différents plans de lutte contre le varroa ? Est-ce que notre manière de gérer le varroa, avec notamment un traitement en été et un traitement en hiver, est quelque chose qui est partagé dans beaucoup de pays, en fonction des saisons ?
Yves Le Conte: Oui, je pense qu’en Europe, les apiculteurs échangent beaucoup. Peut-être un peu moins maintenant qu’avant, mais en tout cas, lorsque le varroa est arrivé en Europe, les apiculteurs échangeaient car c’était une catastrophe et ils avaient besoin d’informations. Tout ce qui pouvait marcher était utile pour les uns ou pour les autres. Et avec l’Europe qui finançait des programmes de recherche moyennant des collaborations entre plusieurs pays européens, il y a eu des échanges très forts entre chercheurs européens. J’ai participé à plusieurs gros projets européens avec trois ou quatre pays différents et c’était formidable car nous avons pu nous découvrir les uns les autres autrement que par nos publications scientifiques. Nous sommes devenus très amis les uns avec les autres et cela a créé des groupes très efficaces. Maintenant, la recherche européenne échange beaucoup et cela a été aussi grâce à la création du réseau COLOSS à l’époque, qui était un projet européen visant à établir un réseau. Ce projet a très bien marché et a permis de réunir un grand nombre de chercheurs européens travaillant sur l’immortalité des abeilles et sur plusieurs thématiques, dont le varroa, mais aussi les virus et d’autres sujets. Cela nous a permis d’avoir des échanges qui sont maintenant extrêmement forts les uns avec les autres.
Guillaume: D’accord. Et concernant les jeunes chercheurs, y a-t-il un nom à retenir, une personne qui développe de nouvelles approches pour la lutte contre le varroa ?
Yves Le Conte: En France, oui, il y a Fanny Mondet, qui continue ses recherches sur l’écologie chimique et la communication chimique entre le varroa et l’abeille. Son objectif actuel est de trouver les molécules émises par les alvéoles parasitées par les varroas qui servent de signaux chimiques aux abeilles pour désoperculer les alvéoles.
Guillaume: C’est ce que j’ai vu pour les colonies VSH. C’est l’une des caractéristiques.
Yves Le Conte: Oui, et nous avons récemment publié un article où nous avons identifié un certain nombre de molécules très volatiles impliquées dans le caractère VSH. Ce que nous voudrions faire maintenant, c’est utiliser ces molécules pour détecter les colonies qui sont résistantes, car le problème est que de phénotyper les colonies pour savoir si elles sont VSH prend beaucoup de temps et les apiculteurs n’ont pas forcément le temps ou la formation pour le faire. Donc, ce que nous souhaitons, c’est développer des outils qui permettent de savoir très facilement si la colonie que vous avez devant vous est VSH et à quel degré elle l’est. L’utilisation de ces molécules que nous avons identifiées est très intéressante car on peut imaginer qu’on pourrait gratter un peu de couvain et regarder si avec ces molécules caractéristiques des cellules infestées, la colonie va désoperculer les cellules et plus vite elle le fait, plus elle est VSH. C’est une approche, mais il y a aussi l’approche génomique, qui consiste à savoir quels sont les marqueurs génétiques des colonies VSH. L’idée est que si nous trouvons des marqueurs et que nous les validons, vous pourrez nous donner quelques abeilles ouvrières de vos colonies et nous regarderons s’ils ont les marqueurs moléculaires sur leur chromosome spécifique des colonies VSH. C’est une autre approche complètement différente, mais qui pourrait mener au même résultat.
Guillaume: D’accord. Cela me fait penser un peu à ce que le frère Adam a fait, où il est parti d’un problème et a essayé de créer une nouvelle souche pour corriger le problème qu’il y avait dans le rucher de l’abbaye. Et cela me fait penser un peu à la même quête. Le but n’est pas de créer une nouvelle souche, mais de prendre une colonie qui a plus de caractéristiques VSH. Et pour un apiculteur qui veut se renseigner sur le varroa, il y a le guide de la FNOSAD qui est un bon livre.?
Il est disponible gratuitement sur le site de la FNOSAD et il fait un gros travail de synthèse. La bibliographie fait huit pages sur deux colonnes, c’est impressionnant. Ce n’est pas un livre qui dit « voilà ce qu’il faut faire, un point c’est tout », mais plutôt un panorama de l’état actuel de la recherche sur le varroa. Ils parlent du pseudo-scorpion, mais ils sont un peu sceptiques à ce sujet. Ils parlent aussi des champignons, mais cela ne fonctionne pas car cela tue aussi les abeilles.
Et concernant les méthodes de traitement du varroa, il y en a une qui est souvent citée, c’est l’encagement pour avoir une rupture de ponte et donc ne plus avoir de couvain, et un traitement par la suite au bout de 25 jours après le début de l’encagement. Pour vous, est-ce une bonne méthode ?
Yves Le Conte: Oui, mais cela demande du temps et d’être un peu professionnel car il faut marquer ses reines, les encager, etc. On le fait souvent pendant une période qui n’est pas très favorable. Il faut vraiment être un bon apiculteur pour pouvoir le faire. Mais oui, plus le temps passe, plus il y a de données qui montrent que c’est une bonne méthode. Les professionnels le font beaucoup, donc si les professionnels le font, c’est que ça marche.
Guillaume: D’accord. Et comment voyez-vous les prochaines années en ce qui concerne la recherche sur le varroa ? Est-ce que c’est toujours la focalisation sur la partie VSH ?
Yves Le Conte: Non, VSH est une piste intéressante, mais ce n’est pas la seule. Il faut travailler sur tous les tableaux, c’est-à-dire essayer de trouver des méthodes qui utilisent de moins en moins de produits de synthèse car ce n’est pas très bon pour les abeilles et pour le miel. Il faut aussi essayer de trouver des molécules de synthèse qui soient actives sur le varroa et pas sur les abeilles, ce qui permettrait d’avoir un nouvel outil pour l’apparition éventuelle d’abeilles résistantes aux produits actuels. Et enfin, il faut développer des méthodes plus douces, comme l’encagement, qui sont meilleures pour les abeilles et pour le miel.
Guillaume: D’accord. Eh bien, merci beaucoup Yves pour cet aperçu sur le varroa et merci pour tout ce que vous avez fait, car je pense que nous n’en serions pas là aujourd’hui sans vos travaux et ceux des chercheurs avec qui vous avez travaillé. Donc, pour nous, jeunes apiculteurs, nous nous appuyons sur des acquis que d’autres ont établis et je pense que pour le varroa, vous en faites partie.
Yves Le Conte: Je n’ai pas été le seul, notamment en Europe. C’était une aventure très intéressante de décrypter un peu cette relation hôte-parasite entre le varroa et l’abeille. Quand j’ai commencé ma thèse, il y avait peut-être dix articles, même pas, sur le varroa. Et maintenant, il y en a des milliers. C’était intéressant de commencer sa carrière comme ça, avec un sujet vierge et en se disant « voilà, tout est à faire ».
Guillaume: Oui, merci encore Yves, et à une prochaine fois.
Yves Le Conte: Avec plaisir, Guillaume. A bientôt.