Partagez cet article !

Pour cette interview, je vous partage l’histoire de Matthieu, un apiculteur qui a commencé cette année l’aventure apicole. Il vous transmet son intérêt pour les abeilles et comment capturer un essaim dans son jardin.

Matthieu, apiculteur qui a commencé cette année en capturant un essaim chez lui

Préambule

Précision: les interviews sont réalisées auprès des multiples apiculteurs que j’ai rencontrés au gré de mes recherches. Vous allez écouter leur histoire, leur passion pour les abeilles et leurs techniques. Leurs propos n’engagent qu’eux ! Je ne défends pas une méthode plutôt qu’une autre, leurs opinions leur sont propres même si j’ai clairement un penchant vers les solutions naturelles et biologiques ?

Vous aurez forcément appris une chose en écoutant chaque interview et c’est le but ! ?

Chaque apiculteur a ses petits secrets, ses petits trucs et nous avons la chance qu’ils nous les partagent ! 

Bonne lecture et bonne immersion dans leur histoire !

Guillaume: Matthieu, depuis quand est-ce que l’apiculture t’intéresse ?

Matthieu: Cela fait très longtemps que l’apiculture me tentait. C’est un vieux souvenir d’enfance, j’avais 10-12 ans à peu près. Un de nos voisins avait des ruches, il m’a invité un jour pour me montrer le moment de l’extraction du miel. J’en ai gardé un souvenir merveilleux.

C’est un monsieur qui était très âgé. J’ai gardé un souvenir merveilleux de cette ambiance, on faisait cela avec son jardinier. C’était un grand bourgeois, ce n’est pas lui qui faisait l’apiculture, mais le jardinier. Et c’était un loisir de grand bourgeois de faire son miel avec son jardinier. Il était basé à côté de Lyon à Irigny.

À partir de ce jour-là,, l’histoire m’a tenté. En fait, je n’ai rien fait pendant 50 ans sauf qu’il y a quelques années, à l’occasion des encombrants de la région lyonnaise, les personnes mettent tout leur fourbi sur le trottoir plusieurs fois par an. Et un soir, en rentrant à la maison, pendant cette période des encombrants, j’ai vu une ruche posée sur le trottoir. Il y avait un toit et la ruche complète, c’était une ruche chalet.

Alors, je m’arrête, je mets la ruche dans le coffre en me disant que si un jour un essaim s’installe à la maison, j’aurai une ruche pour installer les abeilles. Et cela s’est produit pendant le confinement. Il y a un essaim qui est arrivé pendant qu’on (son fils et lui) était en train de bricoler dehors. J’ai pu commencer l’apiculture en capturant un essaim cette année !

As-tu vu arriver l’essaim de tes propres yeux ?

Matthieu: on était en train de travailler dehors et l’on entend tout à coup un vrombissement. En plus, pendant le confinement, il y avait très peu de bruits donc on bien pu entendre ce bruit de l’essaim en vol. Ce n’est pas la première fois que j’entends un essaim, j’ai assez vite repéré qu’il y avait un gros mouvement d’abeilles autour de nous. Je les ai vu monter sur le toit.

L’essaim est monté sur le toit

La maison est assez haute, il y a trois étages. On est parti comme des fous dans l’escalier pour arriver sur le toit en même temps qu’elles. On arrive et à ce moment-là, elles étaient toutes en train de s’engouffrer dans une cheminée. Il y a beaucoup de cheminées dans le toit de la maison et je ne sais pas pourquoi, il y a une cheminée en particulier qui attire les abeilles. Il y a quelques années, on avait déjà eu un essaim qui s’était installé sans qu’on s’en rende compte et on avait eu beaucoup de peine à le chasser pour continuer à faire du feu.

capturer essaim cheminée
Essaim d’abeilles sur une cheminée

Et du coup, ce nouvel essaim était en train de s’installer en rentrant dans le même conduit, c’est très difficile de capturer un essaim qui est dans une cheminée. Peut-être qu’il restait une odeur de cire, de miel (rajout: de phéromones ((lexique))). On a fait du feu, on mettait du bois d’if tout vert pour faire de la fumée. En même temps, je m’étais fait une canne à pêche avec l’écouvillon qui sert à faire le ramonage. On les emmerdait dans le conduit pour qu’elles n’aient pas envie de s’y installer.

Elles ont finalement changé de destination

Au bout de 10 minutes, on (son fils et lui) a vu l’essaim repartir. Il a tourné un peu, il est revenu s’installer dans la même cheminée, on a dû recommencer, on a refait du feu. Finalement, petit à petit on voyait qu’il y avait des abeilles qui cherchaient autre chose pendant que l’essentiel des abeilles était dans la cheminée. On en a vu qu’elles commençaient à rentrer à travers les lames de plastique d’une espèce de verrière qui couvre une partie du toit. Et donc là, elles commençaient à rentrer dessous, on vu l’essaim se déplacer, il sortait de la cheminée et il allait se mettre là.

C’était à quel moment de la journée ?

Matthieu: c’était vers 17 heures, à peu près. C’était une très belle journée, il y avait du soleil, pas beaucoup de vent. Pendant le confinement, on était tous assez disponibles. La température était bonne, vers 22 à 23°C.

essaim abeilles vol
Une belle journée pour l’essaimage: soleil, ciel sans nuage, milieu de journée, pas trop de vent, bonne température

Et donc, quand on comprit qu’elles allaient s’installer sous la verrière, on a arrêté de les agacer, on les a laissé rentrer et à ce moment-là je suis allé voir sur internet parce que je me suis dit « comment est-ce que je fais maintenant ? » « Qu’est-ce que je vais faire de ce truc-là ? » « Comment capturer l’essaim ? »

Je fais toujours très attention sur internet, il y a beaucoup d’informations justes sur internet et il y a également beaucoup de personnes qui postent n’importe quoi. Donc j’ai essayé de repérer les gens qui me paraissent sérieux, plus fiables que d’autres.

Chercher des sources d’informations fiables

Ma source, c’est surtout les sites de vidéos (Youtube,…). Les tutoriels notamment. Il y a le meilleur et le pire. Quand j’ai trouvé deux ou trois vidéos qui disaient des choses raisonnables sur la capture d’un essaim, qui se recoupaient. Je pensais que j’avais des chances que je puisse me fier à ces conseils.

Pour capturer l’essaim, je me suis donc fabriqué une cagoule avec une moustiquaire que j’avais achetée pour faire un garde-manger, il y avait un vieux canotier. Je suis dans une vieille maison avec tout un tas de bardas ?

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu :   Interview #9 – Nicolas – Etre apiculteur amateur avec 30 ruches Langstroth

Donc mon fils et moi avons mis un canotier, on a mis autour la moustiquaire, j’ai pris des gants pour la vaisselle. J’avais une combinaison pour peindre, j’ai mis des bottes et j’ai pris également une balayette en crin de cheval.

essaim abeilles jardin
Essaim d’abeilles dans une haie

Je suis parti avec un pschit à vitre dans lequel on avait mis de l’eau et un carton.

J’ai fait tomber les abeilles dans mon carton, cela s’est très bien passé. Elle était très tranquille.

Et vous, partagez-nous une histoire de capture d’essaim dans les commentaires ? Comment cela s’est passé ?

Tu n’as pas utilisé un enfumoir ?

Matthieu: non, je n’avais rien pour enfumer. Je les ai un peu mouillées parce qu’on m’avait expliqué dans les vidéos tutoriels que cela donnait de la cohésion à l’essaim. Et puis, comme les abeilles étaient emboitées dans les poutres, j’espérai que j’avais pris la reine. J’ai posé mon carton , j’ai découpé une petite porte grande comme le doigt et on a fermé le haut du carton jusqu’au lendemain. Et le lendemain quand j’ai vu qu’il n’y avait plus d’abeilles dans les poutres, je me suis dit que la reine est dans le carton.

enfumoir apiculture
L’enfumoir calme rapidement les abeilles sans les blesser

C’est comme cela que cela a commencé. Et la difficulté pour la ruche est que j’avais la caisse sans rien dedans, aucun cadre.

Nota bene: je vous conseille de consulter cet article répertoriant les pièges pour capturer un essaim, où le placer et quel matériel prévoir.

Tu as continué de te former sur internet ou tu as des amis apiculteurs qui t’ont donné des conseils ?

Matthieu: non. Et comme je n’avais pas de cadres et qu’on était en plein confinement, je me suis dit que je ne pouvais pas en acheter, car il n’y a pas de magasin ouvert. Donc j’ai regardé dans les pages jaunes et j’ai contacté un apiculteur pas trop loin de chez moi, je lui ai raconté mon histoire. Et je lui ai dit: « Est-ce que vous avez des cadres pour ma ruche ? », il m’a demandé « C’est quoi comme ruche ? » Je lui ai dit « Je ne sais pas, c’est une ruche du trottoir ». Et il m’a demandé de venir.

Il m’a fourni des cadres avec de la cire

J’ai attendu la fin de la journée pour ne pas rencontrer les policiers, j’ai mis la ruche dans le coffre et on est allé chez lui. C’est là qu’il m’a expliqué que c’était une ruche Dadant. Il a tout passé au chalumeau pour désinfecter les ruches des spores, il l’a fait par prudence. Et il m’a vendu une série de cadres qu’il avait préparé pour lui avec déjà de la cire dessus. Il m’a prêté un enfumoir, il m’a dit « Vous vous débrouillez, vous faites tomber vos abeilles du carton dans votre ruche et vous fermez. Et assez vite vous vous débrouillez pour les nourrir avec du sucre, car lorsque l’on capture un essaim il n’est pas tout de suite opérationnel: il faut bâtir les rayons, la colonie est encore petite ».

Il m’a donné l’adresse d’une coopérative apicole qui était ouverte tous les vendredis soir pendant le confinement pendant 2 heures.

Ruche Dadant abeilles
La ruche Dadant se reconnaît grâce à sa hauteur et sa largeur. C’est le format le plus répandu en France

Et là, tu as acheté du sirop ?

Matthieu: non, je n’ai pas acheté de sirop. J’ai acheté un nourrisseur, un lève cadre, une voilette et puis entretemps, en regardant toujours les tutoriels j’ai appris que la partie du miel qui serait pour moi serait dans une hausse donc j’ai acheté une hausse et un peu de cire, du fil inox, la petite molette pour faire gondoler les fils. Et puis les fameuses languettes pour le varroa. J’ai eu du bol, car le jour où je suis allé acheter l’équipement, ils distribuaient les languettes anti varroa.

Avant d’aller acheter le matériel, il fallait faire la queue. Et la file était interminable. C’est normal, car ils devaient faire toutes les affaires de la semaine en 2 heures. Donc dans la file, j’ai interrogé tous les gens qui étaient là, je me suis fait une formation express sur les trucs les plus élémentaires de l’apiculture.

Vous pouvez trouver dans cet article, une chronique d’un livre donnant des conseils sur l’installation de son premier rucher

Sacré début !

Matthieu: oui ! Cela faisait longtemps que j’en avais envie. Je me suis dit, « les abeilles viennent », si je ne commençais pas aujourd’hui, je ne commencerai jamais.

Aujourd’hui, les abeilles sont toujours là. J’ai nourri la colonie pendant 3 semaines, 1 mois. Après cela, en surveillant assez régulièrement la construction sur les cadres du corps de la ruche, en surveillant le couvain. Cela me paraissait aller bien, je n’ai pas encore réussi à trouver la reine.

J’ai traité contre le varroa en mai

Comme tout allait bien, j’ai enlevé les lanières contre le varroa et le nourrisseur. J’ai mis ma hausse. J’ai fait cela à la fin du mois de mai.

J’ai attendu jusqu’à mi-août pour voir si je peux faire une récolte. Je n’ai pas beaucoup ouvert ma ruche, parce que déjà je voulais les laisser en paix. Car comme je n’ai pas toutes les connaissances apicoles, si la colonie était moribonde, je ne voulais pas me lancer dans une opération vétérinaire lourde. Je suis opportuniste dans cette histoire-là. J’ai une ruche, j’ai les abeilles qui arrivent, je tente le coup. Si cela marche tant mieux, si cela ne marche pas tant pis.

ruche Dadant abeilles
Voilà une ruche bien peuplée: les abeilles sont présentes sur tous les cadres

Quand j’ai ouvert, je me suis rendu compte que les abeilles n’avaient pas du tout investi la hausse. Par contre le corps de la ruche était rempli d’abeilles et de miel. Sur les 10 cadres, 9 et 1/2 étaient construit.

Ce qui est marrant, c’est que la colonie a commencé à construire en partant d’un côté de la ruche et pas en partant du milieu. Elles ont construit en partant d’un côté et puis elles ont avancé d’un cadre à l’autre.

Je n’aurai pas de miel cette année

Là, les cadres sont très très chargées, les rayons se touchent (ajout: il y a des ponts de cire entre les cadres). Mais il n’y a rien dans la hausse. Donc je vais voir. Tu me dis qu’elles n’y monteront plus maintenant. À Lyon, septembre est très beau, en ce moment il y a les cyclamens sauvages qui poussent dans les prés, je me dis que peut être que cette floraison et le lierre il y aura du miel.

Les abeilles butinent très peu sur les lauriers roses, peut être que ce n’est pas une fleur qui les intéresse.

Guillaume: les pollinisateurs (abeilles, bourdons, papillons…) ont des goûts différents de fleurs. Certains pollinisateurs préfèrent des fleurs plutôt que d’autres.

apiculteurs amateurs interview
Matthieu et moi même lors de l’interview

Pour l’instant, combien de temps y consacres-tu à ta ruche ?

Matthieu: Au début, j’y allais toutes les semaines, tous les 15 jours parce que je voulais voir comment cela grandissait. Et quand j’ai vu qu’elles étaient bien installées j’ai arrêté. La ruche est contre la maison, donc je passe devant plusieurs fois par jour. Je vérifie qu’il y ait toujours du monde qui rentre et qui sorte. Je remarque que depuis qu’il fait chaud, depuis la dernière semaine de juillet, il y a beaucoup d’abeilles dehors. Il fait attendre que le soleil soit couché pour qu’elle rentre, j’ai fait attention à ce qu’elles aient de l’eau. J’avais mis un bol avec un bout de bois qui flotte et de temps en temps je mets de l’eau.

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu :   Interview #7 - Jean Baptiste - La biologie, l'abeille et les croisements

Est-ce que les abeilles vont dans l’abreuvoir ?

Matthieu: je ne sais pas. Mais bon, elles ont d’autres points d’eau, il y a un abreuvoir à 80m de la ruche et j’ai remarqué qu’il y avait souvent des abeilles ici. Mais comme il était un peu à sec, c’est pour cela que je leur avais mis un autre point d’eau.

Je n’y vais pas beaucoup. Je n’ai pas envie d’être très interventionniste en fait. Je ne suis pas un apiculteur au sens où on l’attend, pour moi un apiculteur c’est quelqu’un qui est un professionnel, c’est l’agriculteur des abeilles donc quelqu’un qui est tenu par une rentabilité et qui donc met en oeuvre des moyens qui sont ceux de quelqu’un qui exploite une ressource même si elle est naturelle.

Comment tu te définirais comme apiculteur ?

Matthieu: moi, je suis un bricoleur qui est curieux. Qui trouve l’histoire hyper sympathique et qui a envie. Et moi ce qui m’amuse c’est de récolter. Je suis un chasseur-cueilleur. Pendant longtemps, pour récolter le miel, on détruisait la ruche, bon maintenant cela n’a plus de sens. Je reste dans cette démarche-là, je suis un vrai chasseur-cueilleur. J’essaye de faire le minimum pour que cela marche, je ne veux pas mettre de côté tout ce qui a été inventé depuis 20 siècles. Cela me fera encore plus plaisir si mon miel arrive comme ça. Et si j’en ai moins, ce n’est pas très grave, de toute façon, si un jour je fais 1 kg, c’est le Pérou ! C’est génial.

Quels sont ta conception et ton avis de l’apiculture en France ?

Matthieu: Ce que je comprends, c’est que c’est une activité dans laquelle cohabitent des gens à tous les niveaux d’investissement. Comme les gens qui font du maraichage, c’est-à-dire qu’il y a le gars qui a 5 plants de tomate le long de sa maison et il a acheté les plants dans une jardinerie et il les arrose, et il est content de manger 3 poignées de tomate-cerise à la mi-août. Et à côté, il y a des maraichers qui ont des serres, qui amendent leur sol, bio oui pas bio, avec la recherche de rendement maximum ou au contraire d’autres qui vont tout mettre sur le goût. En sortant des produits avec des qualités gustatives les plus élevés possibles. Et puis entre, il y a des amateurs à tous les niveaux.

visite ruche apiculture
L’apiculteur est un milieu dans lequel amateur et professionnel cohabitent

Hier, on me parlait d’un gars qui est un amateur, ce n’est pas son gagne-pain même si cela lui rapporte de l’argent. Il a 100 ruches qui sont connectées par internet, qui sont posés sur une balance, il fait des transhumances, il regarde, il surveille la montée en poids des ruches.

Et c’est un amateur ?

Matthieu: c’est un amateur dans le sens où il a un autre métier à côté de ça qui est son activité principale. Et puis, il y a moi à l’autre bout qui est chasseur-cueilleur. Et je pense que tout le monde à sa place parce que c’est une activité dans laquelle il y a une part de plaisir qui est énorme, évidement pour moi, peut être un peu moins pour le pro, on sait qu’il y a 80 de transpiration et de labeur ingrats et 20% de plaisant et qui fait qu’on continue, qui est la partie satisfaction du métier. Donc j’imagine que les apiculteurs, c’est pareil, quand ils ont soulevé 200 ruches dans la journée pour les mettre dans la camionnette, ils en ont plein les reins et ils se demandent s’ils ne vont pas se mettre au tricot.

L’apiculture ne fonctionne pas comme un modèle unique

On a besoin de tous ces gars, et je crois que cela serait une grosse erreur de voir l’apiculture comme quelque chose qui doit fonctionner sur un modèle unique, on a la chance d’avoir une activité qui s’accommode très bien sur des modèles variés. J’ai envie de dire, tel que je l’imagine, en n’y connaissant rien, mais c’est cette variété qui est le meilleur avenir de l’apiculture. Avec des gens comme moi qui en ont une, toi qui en as trois, un amateur qui en a 100, un pro qui en a 400, voilà.

Guillaume: c’est beau d’avoir cette proximité entre les amateurs et les pros, chacun trouve son équilibre par rapport à sa vie et son nombre de ruches.

Matthieu: oui, il n’y a pas de compétition et les gens ont des objectifs très différents. Pour moi, cela ne marche pas, j’ai plein d’autres choses qui m’occupent, je ne vais pas pouvoir m’y consacrer comme un amateur très sérieux ou un pro. Peut-être que cela va « rater », je ne vais pas réussir à faire survivre mes abeilles enfin bon, cela n’est pas très grave. En tout cas, je me serai bien marré.

Guillaume: est-ce que tu ne penses pas que justement, ce n’est pas parce que plus on intervient plus ça marche, mais plutôt mieux on intervient et mieux cela marche. Dans le sens où on fait les bonnes actions au bon moment, on arrive à développer son regard en ouvrant la ruche en voyant quand elle manque de nourriture, en regardant l’état sanitaire. Plutôt que d’ouvrir chaque semaine. Il n’y a pas forcément une corrélation entre le nombre de fois où on ouvre la ruche et la rentabilité/retour que l’on a derrière ?

attaque abeilles apiculteur
Cet apiculteur est en train de passer un mauvais moment

Matthieu: je ne suis pas assez expérimenté pour avoir un avis ferme, mais je pense que là encore on revient à des pratiques qui sont différentes. Ce qu’il y a derrière la question, c’est le bien être animal. Il ne faut pas croire que les hommes sont source de mal être des animaux. Par exemple, j’ai grandi dans des endroits où il y avait des vaches et des animaux et je me souviens à la fois d’exploitation agricole dans lesquelles il y avait des vaches en relativement petit nombre et qui était conduite de façon assez traditionnelle, et des exploitations qui étaient vraiment industrielles. Je pense à des exploitations où on élevait des cochons ou des poulets, après mes souvenirs ont 40 ans. On était déjà dans des logiques vraiment industrielles.

Les industriels étaient très peu présents auprès des animaux et pourtant je pense que les conditions de vie de ces animaux n’étaient pas très bonnes. Alors que les éleveurs traditionnels étaient très près de leurs animaux, ils les voient plusieurs fois par jour. Pour les pousser, pour les soigner, pour les nourrir, pour les amener aux champs, parfois les fouette un peu pour les faire avancer. Je ne crois pas qu’il faille établir une corrélation entre le nombre de contacts et le bien être animal. À partir du moment où c’est un animal domestique, il a besoin d’être en contact avec les hommes. À partir du moment où les actions des hommes sont mesurées, adaptées et bienveillantes, l’animal n’en souffre pas.

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu :   Interview #2 - Paul - Renouveler des reines, s'associer avec un autre apiculteur et gérer l'essaimage

Il ne faut pas établir une corrélation entre nombre de visite et bien être de la ruche

Donc, c’est plutôt d’avoir une conduite des ruches qui ne perturbe pas l’animal et cela je ne sais pas si une petite visite de 3 minutes toutes les semaines est-ce qu’un bon pro qui connaît parfaitement ses gestes, qui est très précis, très rapides, qui sait exactement tout de suite où il faut aller, lui il passe toutes les semaines et il embête ses abeilles 1min30. Moi qui suis maladroit, je les perturbe plus, je n’y vais pas souvent, mais je les enquiquine beaucoup. Je ne sais pas si j’ai répondu à la question, mais je crois qu’il ne faut pas être dogmatique dans ces trucs-là.

En même temps, si on y va régulièrement, on a aussi une vision dans la continuité claire de l’état de la ruche donc s’il y a une réponse à apporter qui sera meilleure et plus rapide.

En fait, on est vraiment fait pour vivre avec la nature. Donc quand on vit avec les animaux si on fait cela bien, on ne les embête pas. Toute la question est faire cela bien. Je trouve agaçant que dans la vision écologiste actuelle qui considère l’homme comme ennemi de la nature et des animaux, qui le définit comme un prédateur.

L’Homme cultive un jardin

Moi je considère que l’Homme est un jardinier, son rôle est d’embellir et pour embellir il faut respecter. On travaille la nature pour qu’elle donne le meilleur d’elle-même.

Guillaume: on ne va pas laisser la nature faire, il doit y avoir forcément une intervention de l’homme, tu ne penses pas ?

Matthieu: pas forcément, les forêts vierges se passent de nous et ce sont des endroits magnifiques, idem pour la haute montagne. On fait partie de la nature, nous sommes des êtres naturels, on est avec la nature donc quand moi je touche une abeille c’est un homme naturel qui touche une abeille naturelle. Je ne suis pas un être de synthèse. Je suis aussi naturel que l’abeille, la laitue ou la vache.

J’ai une dernière question, quel conseil donnerais-tu à ceux qui souhaitent débuter l’apiculture ?

Matthieu: je suis tellement débutant que je n’ai pas de conseil à donner. J’ai envie de dire: allez-y de manière à ne pas vous faire mal parce que les abeilles, ça pique.

Pour toi, il faut prendre son temps ? Parce que tu as mis 40 ans pour commencer ?

Matthieu: non, il faut le faire de façon à se sentir en confiance. Les abeilles, ça pique, ça fait peur aux voisins et aux gens de la famille. Il faut faire en sorte qu’il n’y ait pas de drame.

Guillaume: Souvent, on oublie que les attaques d’abeille peut-être mortelle, il en faut 100.

Matthieu: Dans ce que j’ai lu, il en faut plusieurs milliers pour tuer un homme

(Vérification: les chiffres vont de 250 à 300 piqures voire même 1500 piqures pour tuer un homme de 70kg, tout dépend de la santé de la personne piquée: âge, allergie, poids, état de santé, localisation des piqures)

L’autre jour, je me suis pris une bonne piqure. J’ai eu de la fièvre pendant un moment, j’en ai bien profité. Mais je ne me suis jamais senti en danger.

Guillaume: en tout cas, ce n’est pas la même chose d’élever des poules !

Matthieu: honnêtement je n’ai pas de conseils à donner aux personnes, à part d’être prudent pour ne pas se faire mal. Après il n’y a pas d’enjeux. Les personnes qui achètent des essaims, eux ils se préparent. Quand on met 150€, on fait en sorte que cela fonctionne. Alors que moi, les abeilles arrivent chez moi, c’est différent.

Je prends des informations, comme je ne sais rien j’essaye de me renseigner en échangeant avec tout le monde.

Apprendre apiculture
On apprend généralement l’apiculture par la transmission orale

Guillaume: on dit souvent qu’il y a autant d’apicultures que d’apiculteurs, donc tu vas en entendre de toutes les couleurs

Matthieu: oui, ce n’est pas gênant. Cela fait partie du charme de la chose.

Guillaume: en tout cas ce qui n’est pas mal, c’est que comme des abeilles ont essaimé dans une partie de ton jardin et bien le bon risque c’est que chaque année des abeilles viennent dans ton jardin

Matthieu: c’est le deuxième qui vient, le premier essaim qui est passé on a appelé un apiculteur qui est venu le chercher. Il était beaucoup plus gros, c’était un super essaim. Et puis on en a un dans un mur qui est tout fissuré, cet essaim a l’air assez puissant, car il y a une activité terrible autour. Comme il est sur un mur qui est mitoyen avec les voisins, on nous a demandé de supprimer l’essaim. On leur a envoyé une rasade d’insecticides, quelques semaines après il était reparti. J’imagine qu’il doit être caché très profondément. Est-ce l’essaim que j’ai récupéré provient de cet essaim dans le mur ? C’est possible.

J’avais peur qu’il y ait des phénomènes de pillage entre les deux essaims, apparemment pas.

Guillaume: Bravo pour tes débuts !

Matthieu: je m’amuse bien. Cette année, pas une goutte de miel pour moi. J’espère que l’année prochaine, on pourra mettre en pot.

Guillaume: il y a tout même l’épreuve de l’hiver, il y a en moyenne 30% de perte chaque année. C’est le test de l’apiculteur.

Matthieu: je vais mettre la ruche dans un coin du jardin où il n’y a pas trop de vents et où il y a du soleil toute la journée et puis je vais leur donner du sirop. Je vais faire du sirop pour qu’elles aient des provisions. Il y a beaucoup de miel dans le corps de la ruche, je pense qu’elles ont de quoi tenir.

Ma curiosité, c’est d’arriver à trouver la reine

Guillaume: c’est difficile, même pour les pros.

Matthieu: ah, j’avais l’impression que des personnes les repéraient du premier coup. En fait, elle n’est pas très différente des ouvrières ?

Guillaume: non, juste l’abdomen qui est un peu plus long.

Matthieu: et elles sont tellement empilées.

Guillaume: et le pire c’est qu’elles bougent ! Cela complique la recherche de la reine, elle se déplace. Elle peut être sur la tranche du cadre que l’on regarde.

La reine est difficile à trouver lorsqu’il y a plusieurs milliers d’abeilles sur un cadre

Matthieu: certains les peignent, mais pour cela il faut la trouver. J’ai une question, la reine que j’ai dans ma ruche, c’est forcément une reine de l’année ?

Guillaume: pas forcément, ça dépend. Cela peut être une reine qui était dans une ruche dans laquelle elle ne se plaisait pas et donc l’ensemble de la ruche a essaimé. Dans ce cas, cela peut être une reine de l’année ou de l’année d’avant. Soit ce sont les abeilles qui ont élevé une nouvelle reine et une partie de l’essaim est partie, dans ce cas là c’est une reine de l’année. En fait, il faut voir la reine pour se rendre compte de son âge. Si elle a pu voler, c’est que la reine est en bon état. Les reines âgées ont des ailes qui sont usées. Il y a des chances que cela soit une reine de l’année, mais ce n’est pas une certitude.

Matthieu: d’accord. Et bien merci.

Guillaume: merci Matthieu

Merci d’avoir lu cette longue interview jusqu’au bout !

Et vous, avez-vous déjà vu un essaim sauvage ? Qu’avez vous fait ?


Partagez cet article !