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J’ai rencontré Jean Baptiste grâce à un groupe Facebook dédié à l’apiculture, il est étudiant en biologie et passionnée d’abeille et de génétique. Son parcours en apiculture est fascinant, car il a commencé à l’âge de 11ans ! L’interview ayant duré plus d’une heure, j’ai choisis de la diviser en plusieurs parties afin de vous faciliter la lecture.

C’est la huitième interview que je propose sur mon blog.

Toutes les autres interviews sont disponibles sur cette page

En préambule

Les apiculteurs avec qui j’ai eu le plaisir de discuter ont parfois des objectifs et des pratiques apicoles très différents. Vous allez découvrir leur histoire, leur passion pour les abeilles et leurs techniques.

Chaque apiculteur a ses petits secrets, ses petits trucs et nous avons la chance qu’ils nous les partagent !

Bonne lecture et bonne immersion dans leur passion

Interview de Jean Baptiste, étudiant en biologie et amoureux de l’abeille

Guillaume : Bonjour Jean Baptiste !

Jean Baptiste: Bonjour !

Guillaume: Vous êtes étudiant en biologie ?

Jean Baptiste: Oui c’est ça, en sciences de la vie à l’Université de Strasbourg.

Guillaume:  Et, modérateur en même temps du forum Facebook “Apiculteur conseil” ?

Les groupes Facebook sur l’apiculture

Jean Baptiste: C’est “Apiculture amateur conseil” oui, mais ce n’est pas grand-chose.

Guillaume: Il y a 3 noms de groupe Facebook qui sont très proches en fait.

Jean Baptiste : Oui, c’est ça, il y a juste quelques mots qui changent

Guillaume:  Et comment vous en êtes venu à faire la modération du forum?

Jean Baptiste Ah, c’est l’administrateur qui ne pouvait plus faire l’administration du groupe Facebook tout seul parce que l’on pas loin de 20.000 membres. Il cherchait des modérateurs pour lui donner un coup de main, ça fait 6 mois quelque chose comme ça et du coup il y a quelques personnes qui ont rejoint l’équipe. Après il a recommencé de nouveau il y a quelques semaines à recruter d’autres personnes parce que ça fait beaucoup de monde quand même sur le forum !

Guillaume: Oui et beaucoup de messages qui vont à tout va !

Jean Baptiste : Des fois il y a des gens qui s’insultent.

Guillaume: Oui, et cela concerne surtout les mêmes sujets: lorsqu’on parle du frelon asiatique, de nourrissement, de traitement varroa.

Jean Baptiste: Oui ! C’est le cas également lorsque l’on parle de pesticides et du prix du miel.
Le pire c’était lorsque l’on parlait de rendement à la ruche, il y avait une femme toute contente qui venait d’acheter deux ruches cette année et elle avait pu faire 30kg de miel par ruche, soit 60kg en tout. Elle était très contente, et elle s’est fait lyncher par des personnes qui disaient que c’était du miel de sirop, qu’une colonie ne produit pas autant. Oui, c’était la guerre…

Guillaume: OK, en tout cas je trouve que les forums sont bien utiles, il y a souvent de bons conseils. Par contre je pense qu’il ne faut pas se former en regardant les forums parce qu’on trouve tout et son contraire dans les forums, il faut arriver à faire le tri et avoir un bon socle de compétences.
Mais après cela m’est arrivé de poser des questions sur les forums. C’était le cas par exemple du soleil d’artifice, la première fois que j’en ai vu un, j’ai fait une vidéo que j’ai postée sur un groupe Facebook d’apiculture en demandant aux membres du groupe “Qu’est-ce que c’est ? “ “Qu’est-ce qu’il se passe ?”. Et juste après j’ai eu une dizaine de commentaires qui disaient “soleil d’artifice” et un ou deux commentaires qui disaient “essaimage”.
Ce n’est pas mal du tout d’avoir ces groupes, cela crée une confrérie.

Jean Baptiste: C’est un peu plus moderne que les anciens trucs, comme les forums du style apiservices et tout ça. Ils sont en baisse d’audimat.

reine marquée abeille

Reine marquée en bleu (bleu=année 2020/2025/2030/…)

couvain abeilles ruche
Superbe cadre de couvain: belle couleur, très peu de trous et bien bombé !

Quelle est votre histoire par rapport à l’apiculture  ?

Jean Baptiste: J’ai 20 ans, et j’ai commencé quand j’avais 11 ans quand j’étais en 6e. Je le dis un peu bêtement, j’adorais les insectes, j’avais des phasmes, des crevettes dans mes aquariums, j’adorais les bestioles. Et dans la rue à quelques mètres de chez moi, il y avait un vieux papy qui allait voir ses abeilles au fond de la forêt à côté, et j’aurais bien aimé qu’il me montre ses ruches, mais lui il n’était pas trop chaud, il avait peur que je sois piqué, que mes parents piquent une crise. Il voulait que je sois formé avant tout, il a indiqué à ma mère le rucher-école de la ville à côté. Du coup, j’ai commencé à prendre des cours du soir là-bas, je le faisais avec l’ALEP (Association Liberté et Éducation Populaire) , c’est une association de formation pour adulte.

On a commencé par 6 à 10 cours du soir théoriques

Guillaume: Et vous avez fait cela lorsque vous aviez quel âge ?

Jean Baptiste: Pareil, c’était lorsque j’avais 11 ans. À l’issue de ces cours théoriques, il y avait 3 ou 4 leçons pratiques où il fallait aller au rucher-école, il nous prêtait des combinaisons là-bas si nous en avions besoin, et il nous montrait le couvain, comment cela marche, comment poser des hausses, comment enlever des hausses, comment faire un essaim, comment faire du picking, des petites choses de base.

Et à l’issue de ça, on avait de la chance, car la mairie de la ville offrait une subvention pour le démarrage d’une activité en apiculture. On en avait pour 150€, cela permettait d’acheter un petit essaim fournit par un membre du syndicat, un petit nucléi sur 3 cadres avec une tenue complète. Donc cela a commencé comme cela dès la première année.

Guillaume: Et l’apiculture n’est pas du tout venue de votre père, de votre mère ou d’un autre membre de votre famille ? Est-ce que c’est venu du vieil homme ?

Jean Baptiste: Oui et non, car finalement je n’ai rien vraiment appris de lui parce que j’avais suivi pendant 2 ans de formation au rucher-école et après ce monsieur est venu me voir et il m’a laissé mettre mes ruches au fond du chemin dans la forêt, il m’a dit “Je te laisse l’emplacement, il reste une ruche à moi, mais tu peux venir”. Du coup c’est parti de là, j’ai ramené mes ruches proches de chez moi et cela a pris plus d’ampleur.

Guillaume: En fait, vous avez combien de ruches ?

Jean Baptiste : Cela varie, en fonction du moment de la saison. Vu que je fais de l’élevage de reine, cela monte vite avec les nucléi. Si je prends des apidéas, j’en remplis 40 dans l’année.

cadre apidea
La reine est au centre de ce cadre
(ruche Apidea) 

Élevage de reines, picking et insémination

Guillaume : Des apidéas, qu’est-ce que c’est ?

Jean Baptiste : Ce sont des micros ruches, c’est la version encore plus petite que les mini plus. C’est minuscule. Je pense que cela fait une demie mini plus. Dans une mini plus, on peut mettre l’équivalent de 3 demi-cadres de hausse Dadant.  Et là du coup, pour une apidéa, cela fait un peu près l’équivalent d’un cadre de hausse. C’est microscopique, cela sert juste à élever une reine, du coup il faut partir d’un tout petit paquet d’abeilles mettre une cellule de reines de 11 jours dedans et ca part !

Guillaume: Et vous faites du picking aussi?

Jean Baptiste : Oui, je fais de l’élevage de reine, et je me suis mis à l’insémination aussi c’est la grosse nouveauté de 2020.

Guillaume: Et bien, impressionnant!

Jean Baptiste: Finalement, j’ai peu de ruches en production parce que je n’arrive pas à suivre. Ce n’est pas tout d’avoir des ruches, le problème c’est que cela fait du miel. Il faut le vendre derrière, cela prend un temps fou, et je n’aime pas.
Je ne travaille pas en Dadant, mais je travaille en Zander. C’est une ruche dont la taille équivaut un peu près à une Langstroth. C’est un truc particulier que l’on a en Alsace à cause des Allemands à côté, c’est grosso modo une Langstroth. Donc normalement dans ce type de ruches, on laisse le couvain se développer sur deux corps de ruche donc deux étages de 10 cadres et après au-dessus on met une grille à reine, c’est l’équivalent d’une bonne grosse Dadant. Ce que je fais pour avoir des colonies plus petites et pour que j’ai la paix en fait, pour que je fasse moins de miel, et bien je bloque la reine dans le premier corps de ruche avec seulement 11 cadres pour le couvain et c’est tout. Elle est donc sur 1 corps de ruche Zanger plutôt que deux. 11 cadres Zanger équivalent à 7 cadres Dadant.

Son objectif en apiculture: la génétique et la biologie de l’abeille

Guillaume: Et en fait, c’est quoi votre objectif pour l’apiculture ? Je devine que ce n’est pas le miel. Est-ce que c’est surtout apprendre à connaître la partie fécondation et insémination des reines, est-ce que c’est d’observer les abeilles, c’est quoi votre objectif pour l’apiculture?

Jean Baptiste: J’adore ça en fait ! Quand j’ai commencé, l’objectif ce n’était pas le miel, c’était juste avoir des abeilles parce c’était cool, c’était hyper intéressant, c’est génial, ça sert à quelque chose c’est incroyablement compliqué et super intéressant.
Et là maintenant, c’est un petit peu en rapport avec mes études, ce qui fait me fait kiffer là-dedans c’est la génétique. L’insémination cela permet de, comment dire, étudier et “jouer” mais ce n’est pas le bon mot, avec la génétique. Et cela c’est incroyable. C’est quelque chose que je peux faire en travaux pratiques à la fac sur des levures, des choses comme ça,  des croisements intéressants dans le cadre des études et ici, avec l’apiculture, faire ça non pas à grande échelle, mais en pratique. À partir du vivant, utiliser les connaissances apprises, c’est intéressant !

Guillaume: Je pense donc que la vie du frère du frère Adam a dû vraiment vous intéresser

Jean Baptiste :  Ah oui, totalement. Après je ne suis pas le mieux placé pour en parler. Cela s’est vraiment fait petit à petit pour créer l’abeille Buckfast. Je crois que cela a commencé dans les années 1920 si je ne dis pas de bêtises et cela a continué jusqu’à maintenant. Et ce n’est pas un truc arrêté, cela se fait en continu. Et quelque part, j’espère pouvoir continuer cela. Je ne sais pas si vous connaissez indexmellifera ou pedigree api https://www.pedigreeapis.org/ ?

Guillaume: Non

Jean Baptiste : Alors, par exemple le site pedigreeapis est un site de Jean-Marie Van Dyck. Son site regroupe toute la généalogie Buckfast depuis le début en fait, chaque croisement chez chaque éleveur et toute la généalogie des reines jusqu’à aujourd’hui. Concrètement si vous avez une reine dont vous connaissez le pedigree, si elle vient d’un éleveur qui rentre ses données dans le site, on peut retrouver la toute première reine qui a donné la lignée que vous avez en main là maintenant et cela 50 ans après qu’elle ait été créé. On peut remonter jusqu’aux premières reines comme les sinopes des années 1960.

Guillaume: Et pour un apiculteur qui ne fait pas d’insémination. Est-ce qu’il est possible d’avoir des endroits avec des abeilles de races Buckfast pures ? Car dès qu’une reine Buckfast se fait féconder par des mâles des environs, on perd la pureté de la lignée.

Jean Baptiste: Oui, il y a des gens qui travaillent comme ça sur des îles, et également tous ceux qui font l’insémination peuvent avoir des lignées Buckfast pures, c’est clair.
Il y a plein de gens qui font ça, ils sont dans l’ombre, on ne les trouve pas dans les groupes Facebook d’apiculture parce qu’ils en ont ras la casquette des commentaires qu’il peut y avoir sur ces groupes.

Il faut aller voir sur le site https://www.pedigreeapis.org/, vous pourrez voir les noms des éleveurs par pays, il y en a pas mal, il y a énormément de monde dessus. Et là c’est la partie émergée de l’iceberg, car il y a plein de personnes qui font de l’insémination et qui ne rentre pas leur pedigree en ligne. Il y a quand même peu de monde qui fait ça.

Guillaume : Non, je n’en avais jamais entendu parler jusqu’à présent. Et pour vous, ce qui vous intéresse, c’est surtout le Buckfast ou c’est toutes les abeilles en général?

Jean Baptiste:  C’est toutes les abeilles. Au début j’ai commencé avec une F1 Buckfast, parce que le monsieur qui gérait le rucher-école de Colmart, là où j’étais, ce monsieur-là travaillait avec une personne qui était ami du frère Adam, il s’agit de Raymond Zimmer. C’est une personne de très connue pour beaucoup de choses et notamment la qualité de travail sur la Buckfast. J’ai commencé l’apiculture sans trop savoir avec quelle abeille j’ai démarré, et au début cela ne m’intéressait pas de savoir ce que j’avais entre les mains. C’est après coup que j’ai découvert le travail de Raymond Zimmer.

Je travaille aussi pas mal avec la Caucasienne, je me suis découvert une petite passion pour cela.

Polémique sur la Buckfast: espèce naturelle ou non ? La biologie de l’abeille en question

Guillaume: Que répondre aux personnes qui disent que la Buckfast n’est pas une abeille endémique, qu’elle a été créer ? Que répondre aux personnes qui disent que ce n’est pas une espèce naturelle?

Jean Baptiste:  Alors, je risque de fâcher un paquet de personnes. Les personnes qui tiennent ce genre de discours ne savent pas trop de quoi ils parlent. Ils disent que la Buckfast est un hybride.

Guillaume : Comme toutes les races d’élevage, comme les races bovines. À partir du moment où l’on s’intéresse à l’élevage, il y a une partie sélection. Pour les vaches laitières, pour le blé …

Jean Baptiste : Oui, mais c’est complètement différent de l’apiculture, car elle est orientée complètement dans l’autre sens. Si vous regardez les vaches, par exemple les productrices de lait les prim’holstein, les vaches blanches et noires. Ces bestioles-là, on contrôle leur ration de nourriture : bon équilibre d’acides aminés, de sel. Elles vivent dans un environnement très contrôlé au gramme près pour tout pour en tirer le maximum de lait derrière.

Et il y a des personnes qui font des comparaisons entre cette race de vache et la Buckfast, il y a des personnes qui ont relevé cette comparaison dans une vidéo d’Une Saison aux Abeilles , j’ai adoré cette vidéo.

Du coup, pour l’abeille, c’est complètement différent, quand on sélectionne une abeille qui produit bien, on choisit une abeille qui se démerde seule, une abeille qui est capable d’optimiser et de survivre, de tirer quelque chose de son environnement. Exactement comme ce que ferait la nature.

Les gens qui disent que la sélection sur les abeilles est contre nature, souvent ce sont des amateurs, qui ont des ruches au fond de leur jardin, qui vont nourrir les abeilles, si il y a une loque ils vont transvaser les ruches, nourrir et être constamment derrière. Et ça, c’est dramatique pour l’abeille ou pour n’importe quelle espèce parce que l’apiculteur se substitue à la sélection naturelle. L’apiculteur qui fait cela laisse survivre les faibles et les non adaptés, ce qui les autorise à la reproduction.

Vu que la reproduction de l’abeille se passe au grand air, de manière non contrôlée en général. En faisant ca, cela bousille la génétique et toute la qualité que vous avez autour. Et cela quelle que soit l’espèce d’abeilles que vous avez. Cela contribue à laisser dans la population de mauvaises abeilles.

Guillaume : Ok, je comprends bien.

Présentation du test d’hygiène

Jean Baptiste : Sélectionner de base, c’est juste faire ce que ferait la nature sans laisser mourir les faibles, mais juste en ne les reproduisant pas.  On reproduit les forts ensemble et on vérifie ce que l’on fait. Il y a un truc tout simple, c’est le test d’hygiène, c’est un truc que tout le monde pourrait faire, mais très peu de personnes le font. Vous découpez un petit bout de couvain fermé, vous le mettez au congélateur (les nymphes d’abeilles vont donc mourir) puis le lendemain vous remettez ce couvain gelé dans le même cadre que celui où vous avez fait le prélèvement. Vous revenez 24 ou 48h après et vous vérifiez si les abeilles ont été capables de nettoyer ce petit carré.

Guillaume: Et vous mettez le carré où dans la ruche ?

Jean Baptiste: Vous le remettez exactement là où vous l’avez découpé. Et c’est important de prendre que du couvain qui est fermé, si c’est du couvain qui est ouvert cela ne marche pas !

Jean Baptiste: Du coup, si les abeilles sont capables de détecter la larve qui est crevée sous l’opercule, d’ouvrir l’opercule, de le nettoyer, c’est que si les larves avaient été attaquées par une mycose, une loque ou peu importe quoi d’autre qui l’aurait fait crever, les abeilles auraient été aussi capable de nettoyer ça. Et ça, ca permet de savoir la réactivité de la ruche face aux maladies.

Ça c’est un truc que la nature fait très bien toute seule parce que dans la nature une colonie qui est sensible à la loque et qui ne sait pas détecter un couvain malade elle meurt, elle ne se reproduit pas.

Chez quelqu’un qui fait comme ça plusieurs essaims dans l’année, et qui ne regarde pas les aptitudes de ses abeilles, au final il peut se retrouver en partant de petits effectifs vers ce genre de dérive avec des abeilles très faibles.

Guillaume: J’avais déjà entendu parler de ce test d’hygiène et je ne pensais pas que c’était pour savoir ça.

Jean Baptiste: Une application toute simple après avoir fait ce test, c’est si la colonie n’est pas capable de nettoyer ce petit bout de couvain congelé  je ne vais juste pas la diviser, ou je ne vais pas greffer dessus, je ne vais pas la multiplier. Si je mets un cadre un mâle et bien je découpe le couvain mâle pour avoir moins de varroas et ne pas polluer la génétique autour. Par contre celle à côté fait un peu moins de miel, mais elle sait se débrouiller et nettoyer le couvain, et si je la multipliais ?

Guillaume: C’est une sélection qui est à la portée de tous les apiculteurs en fait.

Jean Baptiste: Oui ! Il ne faut pas oublier que les mâles que l’on a dans nos colonies on les partage autour de nous, c’est un pot commun avec nos voisins et des colonies qui vivent dans les troncs d’arbres (les essaims sauvages).

Guillaume : À quelle fréquence vous allez voir vos ruches par mois ? D’après nos échanges, je vois que le miel n’est pas votre objectif, mais plutôt l’insémination.

Jean Baptiste Oui c’est ça. Également l’élevage et les abeilles. Le temps que j’y passe est vachement variable. Par exemple, je suis confiné en ce moment et pendant l’heure quotidienne de sortie je fais un crochet au rucher et je regarde si cela vole ou pas, je regarde l’abreuvoir. En saison quand par exemple il y a du miel de colza, c’est la grosse course et je passe des weekends complets.

C’est lever les hausses le samedi et extraire au soir jusqu’à 23h, ça prend du temps.

Guillaume: Donc, vous y aller un peu près une fois par semaine ?

Jean Baptiste : Oui

Guillaume: Et, comment vous faites l’extraction?

Jean Baptiste : Pas avec la presse, mais avec la centrifugeuse.

Quel ouvrage conseilleriez-vous pour démarrer l’élevage de reines ?

Jean Baptiste : Hum, c’est un peu compliqué … je conseillerai par exemple le livre « Élevage des reines » de Gilles Fert qui est très bien. Il est super intéressant, il est simple, il est illustré. Il peut être utilisé autant par des pros que par des amateurs qui ont 2 ou 3 ruches, je le trouve vraiment bien.

Résumé du livre
Tout apiculteur en herbe ou professionnel doit régulièrement remplacer les reines de ses ruches. Cet ouvrage présente toutes les étapes de leur élevage : le choix de la race, le matériel, les différentes méthodes, l’introduction et l’utilisation des reines, la commercialisation, la production de gelée royale… mais aussi les productions complémentaires comme l’élevage de mâles ou la production de paquets d’abeilles.

Jean Baptiste : Pour ceux qui veulent un peu plus connaître l’aspect scientifique de la reproduction de l’abeille, il y a Bernard Sauvager, ce monsieur a fait un travail juste incroyable, voilà.

Il a écrit un livre qui s’appelle « Hérédité chez l’abeille et les colonies d’abeilles »

Ce bouquin est juste incroyable, franchement c’est complet, complexe et il a réussit à rendre cela assez simple en rendant les choses compréhensibles sans avoir besoin d’un BAC scientifique ou d’avoir fait une licence de biologie pour comprendre ce qu’il raconte, c’est du scientifique, mais il a fait toute une première partie du livre qui est super bien expliqué pour faire comprendre aux gens la suite.

INRA et CNRS

Guillaume : Est-ce que les travaux de l’INRA vous intéressent (Institut National de la Recherche Agronomique) ?

Jean Baptiste :  J’avoue que je ne les vois pas publier des trucs comme peuvent le faire des privés comme peut le faire apinov par exemple. Je ne sais pas si vous voyez les publications de Benjamin Poirot d’Apinov, constamment il fait de la pub sur ce qu’ils font en termes de formation, de recherche. Cela permet d’intéresser plein de monde j’ai l’impression.

Tandis que l’INRA, comme le CRNS, j’ai l’impression qu’ils sont vachement déconnectés de la populace. C’est bête à dire, mais je ne vois pas passer des publications de l’INRA qui indique leurs recherches sur l’abeille.

Guillaume : À part le MOOC Abeille et environnement de l’INRA (https://www.fun-mooc.fr/fr/cours/mooc-abeilles-et-environnement/) 

Jean Baptiste :  Oui, j’ai vu, par contre je ne le suis pas. Je n’ai pas trop le temps avec mes cours.

Guillaume : Pour vous l’INRA, et le CRNS, ce sont des cercles fermés ?

Jean Baptiste : C’est ça ! Si ils font des publications scientifiques ou des choses comme ça, je n’en ai jamais cherché spécifiquement de chez eux, mais ‘ils font des publications dans des revues et que cela atterrit sur PubMed, c’est le Google des scientifiques si vous voulez, je n’ai pas vu de publications à destination grand public de leur part. Si cela se trouve, j’en ai déjà lu d’eux sans le savoir. AJOUT: Jean Baptiste parle des publications à destination du grand public et pas des publications sur un plan scientifique

Après la majorité des apiculteurs ne sont pas scientifiques, ils ne vont pas s’intéresser à ces choses-là, ils ne vont pas aller lire article en anglais qui parle, je ne sais quel sujet sur un tout petit aspect de l’abeille.

Difficultés en démarrant l’apiculture

Guillaume : Je repense à vos débuts, le fait d’avoir débuté l’apiculture à vos 11 ans. Est-ce que vous vous rappelez des difficultés vous avez eu quand vous avez démarré l’apiculture ?

Jean Baptiste : Il y en a eu quelques-unes oui ! Je pense que celle qui aurait pu être la plus dangereuse et qui est la plus générale à tous les apiculteurs est de savoir d’où l’on tire l’information et qui que l’on doit écouter ou pas.

J’ai commencé avec un petit nucléi sur 3 cadres pour ensuite passer aux ruches avec 10 cadres cette première année et j’ai demandé à mon voisin qui a des ruches depuis X années s’il pouvait me passer une languette de traitement contre le varroa comme on m’avait dit de le faire pendant les cours d’apiculture au syndicat. Et il m’a dit « Comme c’est la première année, tu n’as pas besoin de traiter, tu verras cela l’année prochaine », je me suis dit « Chouette, pas besoin de m’embêter avec ce traitement cette année ». Jusqu’à ce qu’un petit vieux au rucher-école me dise qu’il n’avait pas vu passer ma commande de bandelettes de traitement contre le Varroa, je lui ai parlé de mon voisin qui m’avait dit qu’il ne fallait pas traiter cette année. Du coup, il s’est inquiété et il m’a dit qu’il allait me donner un coup de main et qu’il ferait un traitement, qui illégal maintenant, c’est un traitement au tactique. Je crois que c’est un antipuces pour chien, c’est un produit en goutte qu’ils imprègnent sur du carton. C’est de l’Amitraz hyper concentré à des doses faramineuses qui fait un effet flash monstrueux. La première année j’ai fait comme cela, heureusement que la personne avait gardé ça au fait de son garage.

Traitement contre le varroa

Guillaume : Et actuellement, comment est-ce que vous traitez au varroa ?

Jean Baptiste: Pendant des années en fait c’était la routine comme tout le monde avec les traitements Apivar et Apistan. Et plus cela avançait et plus j’ai fait évoluer la réflexion sur le truc en me disant que c’est de la merde, il faut le dire c’est de la merde. C’est très pratique, cela marche bien, on a peu de courage et de connaissances à faire des choses plus compliquées. C’est un truc bien (Apivar et Apistan), cela permet de sauver les abeilles, mais si on peut s’en passer, il vaut mieux s’en passer. Du coup, je suis progressivement allé vers autre chose.

La première année où j’ai décidé de changer, j’ai voulu en finir avec l’Apivar, je suis passé au thymol et comment dire … catastrophe ! J’ai perdu mes deux premières ruches, je me suis dit « Ah ! non, horrible ! Plus jamais une m*rde comme ça ». Bah oui, comme tout le monde, j’avais 13 ou 14 ans, un truc comme ca. Et en fait, c’est la bêtise que font souvent les gens, on voit passer cela souvent sur les groupes Facebook, les petits médicaments au thymol vendus par les grands magasins d’apiculture, les modérateurs d’ambiance, ils appelaient ça. Je l’avais utilisé alors que ce n’est pas du tout un médicament avec une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). Bref, ce n’est pas un médicament.

J’ai donc fait évoluer le truc, j’ai fait des comptages varroa afin d’essayer de voir si ce que je faisais fonctionnait et j’en suis venu progressivement à l’acide formique pendant un moment. Cela fonctionne bien, il faut un peu de connaissance en chimie. Il faut juste savoir faire une dilution et comprendre l’histoire de chaleur, le volume que l’on met, la concentration que l’on met.

Au final ça marche, ça demande du temps, mais ça marche, et cela je l’ai abandonnée pour venir à l’encagement des reines avec en plus l’acide oxalique depuis 2 ans je crois. Pour toutes mes ruches de production, j’encage mes reines l’été en cage d’isolement Scalvini ou les petites cagettes chinoises, il n’y a pas mal de guide pour cela.

Guillaume : Comme la reine est isolée, il y a rupture de ponte (la reine ne pond plus d’œufs)

Jean Baptiste: C’est ça ! Cela dure 21 à 25 jours. Et après je fais deux traitements d’acide oxalique à 5 jours d’intervalle un peu près.

Guillaume : Vous faites cela à quelle période ?

Jean Baptiste: J’ai encagé les reines début juillet et j’ai traité à l’acide oxalique vers le 10 août.

Guillaume : Vous avez encagé juste après la récolte ?

Jean Baptiste : Non, j’en encagé alors que j’étais en production, en transhumance en montagne.

Guillaume : Ok, et le traitement avec l’acide oxalique peut se faire pendant la récolte ?

Jean Baptiste : Ah bah non ! Le traitement, je l’ai fait après la récolte. Les abeilles étaient toujours en production pendant l’isolement de la reine et le traitement s’est fait après la récolte.

biologie abeille
Un varroa sur une larve

Comment compter les varroas dans sa ruche ?

Guillaume : D’accord. Et comment vous faites le comptage varroa ? Quelle méthode vous utilisez ?

Jean Baptiste : Tout simplement, surtout en cette période, je fais un comptage en utilisant les plateaux Nicot, qui sont des fonds en plastique blanc, je mets du gras dessus et ensuite je le glisse sous la ruche et je compte les chutes en 24h. Ça, c’est le truc que je trouve le plus simple.

Guillaume : Qu’est-ce que vous mettez comme gras sur le fond de la ruche ?

Jean Baptiste : Du beurre, la margarine c’est moyen. La graisse à traire c’est pas mal, mais je n’en ai pas acheté. Je fais cela avec de la margarine. Je répète plusieurs fois le comptage pour ensuite faire la moyenne. C’est bien d’étaler plusieurs comptages sur une semaine voire deux semaines.

Sinon pendant la saison où les abeilles sont en production, pour compter le varroa, ce que je fais et je déteste le faire, c’est prendre des abeilles dans un petit pot de 300ml-500ml. Ensuite on congèle l’échantillon d’abeilles et ensuite faire un lavage à l’alcool des abeilles. Ça, c’est une méthode précise pour laquelle on peut être sûr du résultat. Et les gens qui font la sélection VSH font ça.

Guillaume : VSH ?

Jean Baptiste : Ce sont ceux qui font la sélection des abeilles résistantes à varroa. En gros, il faut faire plusieurs fois dans l’année, à différents moments. Cela permet de connaître l’infestation de varroa phorétique dans la ruche. Et avec une formule un peu compliquée, on peut bien connaître la dynamique de la population dans la ruche dans l’année. Et cela permet de dessiner une courbe afin de voir comment cela évolue avec différentes lignées au cours de l’année. Ça, c’est super important. En gros cela permet de regarder les ruches pour lesquels la croissance de la population de varroa se fait le plus lentement. Et pour ça, je commence tout juste !

Guillaume : C’est très intéressant !

Jean Baptiste : Oui, par contre cela un côté un peu glauque parce que l’on tue 300 abeilles à chaque fois. Sinon il y a une autre méthode de comptage de varroa où l’on endort les abeilles avec du CO2, on en tue également et c’est moins précis. Et la méthode sucre glace, non, c’est dégoutant, ça colle.

Guillaume : On dit que cette méthode est une méthode entrée de gamme des apiculteurs amateurs.

Jean Baptiste : Je n’aime pas trop secouer des abeilles, elles vomissent, cela fait une pâte dégoutante avec le sucre glace, ca colle. Au moins elles ne sont pas mortes. Ça reste un peu moche.

Les points à retenir de cette interview

Début: A 11 ans !

Formation: Formation dans un rucher école pendant 2 ans

Nombre de ruches: Très variable: entre 5 et 15 !

Localisation du rucher: En Alsace

Type de ruche: Zander, Dadant, Mini Plus, Apidéa

Objectif: Elevage et insémination de reines

Particularités: expérimenter des traitements contre le varroa, faire de la génétique avec l’insémination, apiculture en apidéa et mini plus

Conseils: Vérifier de qui viennent les informations et les conseils en apiculture. Avoir un regard critique pour savoir qui écouter et qui ne pas écouter.

Et vous, a quel âge avez-vous commencé l’apiculture ? 


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