À la fin de l’hiver, lorsque les beaux jours se succèdent, l’inquiétude des apiculteurs grandit. Et si … et si il y avait un essaimage dans ma ruche ? Et si une nouvelle reine allait naître amenant ainsi la moitié des abeilles de ma ruche à partir avec l’ancienne reine ? Quelle angoisse !
On peut alors faire une croix sur la récolte de miel de la saison. C’est si bête alors que l’année vient tout juste de commencer. Je vous propose dans cet article de comprendre ce qu’est l’essaimage et quelles en sont les conséquences pour les abeilles et pour vous.
Comprendre l’essaimage
Le mode de reproduction des abeilles
Les abeilles sont apparues il y a environ 100 millions d’années en Asie. Comme tous les êtres vivants, elles ont développé un instinct de reproduction pour assurer la pérennité de leur espèce et augmenter leur population. Sinon, elles seraient déjà éteintes depuis longtemps. Pour l’abeille, c’est l’essaimage qui assure la pérennité de l’espèce.
« L’essaimage est le mode naturel de reproduction et de dispersion des colonies d’abeilles »
Au sein d’une ruche, c’est la reine qui permet à l’essaim de grandir en population car c’est elle qui assure la ponte de toute la colonie. Son effectif peut ainsi atteindre un maximum de 60.000 abeilles au plus fort de la saison. La reine a une durée de vie de 3 à 5 ans, sans elle, l’essaim est voué à disparaître.
Lorsque certaines conditions sont réunies: reine âgée, manque de place dans la ruche, belle météo, alors l’instinct de l’abeille amène donc l’essaim a créer de nouvelles cellules de reine: les cellules royales, afin de diviser la colonie en deux populations. On appelle cela l’essaimage.
La vieille reine va quitter la ruche avec une grande partie des ouvrières, près de 2/3 de la population, pour s’installer dans un nouvel endroit. La jeune reine reste dans la ruche initiale avec des abeilles qui vont bientôt naître et environ 1/3 des ouvrières.
Préparation de l’essaimage de la ruche
Au printemps, au moment des grandes miellées et parfois un peu avant, le couvain est à son maximum, la population d’abeilles est très importante. La reine n’arrive plus à circuler sur tous les cadres et donc les abeilles ne reçoivent plus les phéromones royales. Il y a beaucoup de nectar, de pollen et de miel dans les rayons. La colonie se sent rapidement à l’étroit. Le processus d’essaimage s’enclenche, on appelle cela une division naturelle de la ruche.
La préparation de l’essaimage dure plusieurs semaines, les abeilles nourrissent moins la vieille reine afin qu’elle puisse voler plus facilement et plus loin lors de l’essaimage. Tandis que les abeilles se préparent en se gorgeant de miel plusieurs jours avant l’essaimage. La reine pond des oeufs de reine, entre 10 et 60 oeufs, et les abeilles s’en occupent en nourrissant continuellement les larves de gelée royale. Il faudra 16 jours pour que les nouvelles reines sortent de leurs cellules.
Lorsque les larves auront entre 5 et 6 jours, et si le temps le permet, des abeilles partiront en éclaireuses pour trouver un nouvel habitat temporaire. Après avoir trouvé un endroit adéquat, elles retourneront dans la ruche pour convaincre une partie de leurs compagnes de les suivre. L’essaimage débutera ensuite !
Que se passe t’il juste après l’essaimage ?
Dans la ruche (essaim d’origine)
Pour l’essaim qui est resté dans la ruche, la première reine à naître sur la dizaine de cellules royales tue les autres reines avant qu’elles puissent naître en piquant avec son aiguillon l’alvéole. Il n’y aura qu’une seule reine. Ensuite, la nouvelle reine ne pourra pondre qu’après avoir été fécondée par plusieurs dizaines de mâles (faux bourdons) lors d’un vol nuptial. Il faudra donc attendre quelques semaines avant que les premières abeilles naissent.
Dans certains cas rares, il arrive qu’il y ait plusieurs reines dans une ruche. C’est le cas dans cette vidéo
Pour la reine qui est partie (essaim primaire)
Pour l’essaim primaire, une fois que le nouvel habitat est trouvé, c’est une dire une cavité telle qu’un tronc d’arbre creux, dans une vieille cheminée, dans une grange ou encore derrière des volets, la vieille reine et ses ouvrières doivent construire des rayons afin que la reine puisse pondre dedans.
L’essaim d’origine et l’essaim principal connaissent alors quelques semaines sans ponte. Cela contribue à l’hygiène et à la santé des deux colonies.
Récupérer un essaim
Le moyen le moins coûteux d’avoir une nouvelle ruche pour un apiculteur est d’aller récupérer les essaims primaires qui se sont installés dans les cavités. Je vous partage le guide d’un syndicat apicole qui vous donne des conseils pour capturer cet essaim « sauvage ».
Quels impacts à l’essaimage d’une ruche pour l’apiculteur ?
Bien qu’étant un comportement naturel, l’essaimage porte préjudice à l’apiculteur. Parmi les préjudices je peux citer:
- l’affaiblissement d’une colonie qui va mettre plusieurs mois avant de retrouver une population normale
- La perte de la récolte future de la saison
- La perte d’une bonne partie des réserves de miel de la ruche
Une ruche qui se divise met beaucoup de temps à se reconstituer. En outre, l’essaimage est un trait héréditaire que de nombreux apiculteurs tentent d’éviter au sein leurs ruchers en élevant des reines issues de races moins sujettes aux essaimages comme la Buckfast et l’abeille caucasienne (Apis mellifera caucasica).
Quand une ruche essaime, ce sont près de 2 à 4 kg d’abeilles qui partent, cela handicape fortement la récolte.
Tout dépend de votre pratique et de vos objectifs
Certains apiculteurs laissent faire l’essaimage de leur ruche. Ils préfèrent ne pas s’en occuper tout en étant conscients de l’impact que cela aura sur leur récolte cette année.
C’est le cas de Pierre, un jeune apiculteur que j’ai interviewé et qui ne se préoccupe pas de l’essaimage.
L’essaimage d’une ruche est un problème pour certains, mais pas pour tous. Si ce n’est pas un problème pour vous et que vous souhaitez laissez-faire alors vous pouvez dormir sur vos deux oreilles.
Merci pour cet article très instructif. Il faut donc être préparé à voir une bonne partie de ses abeilles partir du jour au lendemain… si je comprends bien… mais il y a des techniques pour l’éviter. Suspens 🙂 Je reviendrai lire la suite !
Bonjour Guillaume,
Votre article me plonge dans l’organisation fabuleuse des abeilles ! Je n’ai que peu de connaissances sur ces pollinisateurs indispensables à notre écosystème. Merci beaucoup pour ces informations
Incroyablement instructif votre article !! Merci pour cette plongée dans le monde des abeilles qui semble plus une Société structurée et organisée qu’il n’y parrait
Bonjour, je ne connaissais pas l’essaimage, je pensais qu’une ruche c’était ad vitam eternam, pour quelques années. En même temps l’essaimage me paraît un bon moyen d’augmenter la population d’abeille qui décline cruellement, non? En privilégiant les races qui n’essaime pas est-ce que ça diminue à long terme la quantité d’abeille? Merci pour la découverte!
Bonjour et merci pour vos questions.
L’essaimage contribue effectivement à augmenter le nombre d’abeilles qui décline, tout comme les populations des autres insectes également. A cela on peut trouver plusieurs facteurs: faibles ressources alimentaires du fait des cultures intensives, peu de diversité de culture, rotation rapide entre les cultures, utilisation d’agents chimiques et pollution.
Quant à votre deuxième point qui questionne le lien entre la sélection des races d’abeilles et la diminution de la quantité d’abeilles, il y a bien sûr un lien. Néanmoins cette diminution de la quantité d’abeilles liée à la sélection de la race est moindre comparée aux menaces actuelles telles que les espèces invasives, les acariens et tout ce que j’ai cité auparavant.
Par contre, la sélection de races peu essaimeuses à un impact important sur la faune locale: l’abeille noire est une race endémique en France, quid de l’importation des autres races en France (Buckfast, caucasienne, etc.) ? Quels en sont les impacts ? J’aurai l’occasion d’en parler dans un autre article.
Bonjour, j’ai un premier problème avec vos définitions d’essaims primaires et secondaires !!!
Bonjour Gérard,
Effectivement, j’ai confondu essaims primaires et secondaires. Un essaim primaire est le premier essaim qui part d’une ruche.
Merci pour votre remarque ! J’ai corrigé l’article en conséquence