Comment savoir de quelle fleur vient le miel ?

Le miel est produit par les abeilles qui butinent inlassablement de fleur en fleur. C’est le reflet d’un terroir, d’une biodiversité locale et du travail remarquable de ces infatigables butineuses.

Dans cet article, je vais vous expliquer l‘origine florale du miel et comment un apiculteur peut savoir que son miel est un miel issu d’une certaine fleur.

Pourquoi c’est important de connaître la fleur à l’origine du miel ? (Origine florale)

Imaginez que vous baladez sur un marché ou encore à la « foire ô miel » de Toulouse.

Vous voyez sur les stands différents types de miel : miel de lavande, miel d’acacia, de châtaignier, de tilleul, de romarin, de thym, de ronce …

Et là vous vous demandez comment un apiculteur peut connaître les fleurs que ses abeilles butinent ?

Est-ce que l’apiculteur suit les butineuses pour savoir où elles butinent ?

Comment est-ce qu’il peut être sûr que c’est du miel de cette fleur alors que les abeilles butinent des millions de fleurs ? (On estime même que pour produire un kilo de miel, les abeilles doivent butiner 2 737 500 fleurs !)

Les amateurs de miel ont besoin d’être rassurés, car le miel est un des produits les plus fraudés au monde avec l’huile d’olive.

D’autant plus que certains étiquetages peuvent tromper les consommateurs sur la vraie origine florale du miel

La définition des fleurs d’origine du miel est en effet complexe et il n’existe, à ce jour, pas de méthode fiable à 100% qui permet de savoir l’origine du miel 😳

Voici les erreurs les plus courantes que peuvent faire les apiculteurs pour déterminer les fleurs d’origine de leur miel

• Se fier uniquement à la période de miellée.
• Négliger l’analyse régulière de ses miels
• Sous-estimer l’impact d’un étiquetage approximatif sur la confiance des clients

Les concepts clés pour déterminer la fleur ou les fleurs à l’origine du miel

Pour être capable d’identifier l’origine florale d’un miel, il est essentiel de bien comprendre deux notions fondamentales : les miels monofloraux et les miels polyfloraux.

Qu’est-ce qu’un miel monofloral ?

Un miel monofloral est un miel élaboré principalement à partir du nectar d’une seule espèce végétale.

Pour être qualifié de monofloral, ce miel doit contenir un pourcentage minimal de cette même espèce végétale, généralement compris entre 65 et 90% selon les réglementations et les types de miel.

Cette prédominance confère au miel des caractéristiques gustatives et visuelles distinctives. Le miel reflète ainsi les propriétés aromatiques et la couleur typique du nectar ou miellat d’origine.

Par exemple un miel monofloral d’acacia sera clair et délicat tandis qu’un miel de châtaignier sera foncé et corsé.

Voici un extrait du Journal Officiel de l’Union Européenne (Règlement (CE) No 868/2007) :

• «Miel d’eucalyptus»: le pourcentage minimal de pollen d’eucalyptus (Eucaliptus sp.) doit être de 70 %,
• «Miel de châtaignier»: le pourcentage minimal de pollen de châtaignier (Castanea sp.) doit être de 70 %,
• «Miel de ronce»: le pourcentage minimal de pollen de ronce (Rubus sp.) doit être de 45 %,
• «Miel de bruyère»: le pourcentage minimal de pollen de bruyère (Erica sp.) doit être de 45 %.

Qu’est-ce qu’un miel polyfloral ?

Les miels polyfloraux, aussi appelés « miels toutes fleurs », se distinguent des miels monofloraux par leur origine végétal diversifiée.

En effet, ils sont le fruit du butinage des abeilles sur une multitude de plantes mellifères différentes présentes dans leur aire de collecte. En général, les butineuses collectent le nectar dans un rayon de 3km autour de leur colonie.

Ainsi, les nectars et miellats récoltés proviennent d’une flore variée. Ce miel est comme « la photo » d’un paysage de fleurs qui est retranscrite dans ce délicieux liquide.

Cette caractéristique fait de chaque miel polyfloral un produit unique, à la composition et aux saveurs changeantes au fil des saisons et des régions.

Une autre différence par rapport aux miels monofloraux, c‘est que les miels plyfloraux souvent moins typés. Néanmoins ils offrent une palette aromatique riche et complexe.

Les facteurs influençant la composition du miel

Maintenant que vous connaissez les différences entre les miels monofloraux et polyfloraux, on peut en déduire 2 facteurs principaux qui influent sur la composition du miel.

• Il y a tout d’abord l’environnement de butinage des abeilles. En effet, les abeilles collectant le nectar aux 3km alentour de leur colonie, elles rapportent le nectar qui se trouve à proximité. L’apiculteur peut donc directement influencer ce facteur en transhumant (c’est-à-dire en déplaçant) ces ruches dans des zones de butinage spécifique : forêt de châtaignier, champ de lavande, champ de colza, …

• Ensuite, la période et la durée des miellées impactent également la composition du miel. Les fleurs collectées au printemps sont différentes des fleurs d’été ou de fin de saison. Il y a des moments de floraison précis selon les espèces végétales.

Idées reçues sur l’identification de l’origine florale

Parfois, on peut se dire que l’on va faire appel à son bon sens, cela aide dans certains cas, dans d’autres cela peut induire en erreur. Voici deux exemples d’idées reçues :

Idée reçue « On peut toujours deviner la fleur d’origine du miel d’après la couleur et le goût »

On pense parfois que l’on peut définir la fleur d’origine du miel selon la couleur et le goût du miel. Il est certes bien vrai que certains miels monofloraux ont des caractéristiques gustatives et visuelles distinctives, par contre ces critères ne suffisent pas pour déterminer l’origine florale. En effet, la couleur et le goût peuvent varier au sein d’un même type de miel selon la région, la saison ou encore le climat. De plus, pour les miels polyfloraux, l’identification devient encore plus complexe, car ils combinent les saveurs et teintes de multiples fleurs.

« Les abeilles ne butinent qu’une seule fleur à la fois »

Les abeilles visitent une variété de fleurs tout au long de la saison apicole. Leur but est d’optimiser la collecte de nectar et de pollen en fonction des ressources disponibles dans leur environnement. Ainsi, même si une ruche est placée à proximité d’un champ de lavande, les butineuses peuvent également récolter le nectar d’autres fleurs mellifères alentour.

Comment déterminer l’origine florale de son miel

Prérequis

L’apiculteur, pour déterminer l’origine florale de son miel, a besoin de deux éléments importants :

• Connaître la florale locale et les périodes de miellées

Outre les connaissances des abeilles, l’apiculteur chevronné peut également développer ses capacités d’observation de l’environnement végétal proche de son rucher. Cela passe notamment par la reconnaissance des différentes espèces mellifères présentes dans sa région et le suivi attentif de leur cycle de floraison. Cette connaissance permet d’identifier les principales miellées et d’en déduire l’origine florale probable.

• Renseigner un registre des emplacements et des déplacements de ses ruches

Pour identifier correctement les miels produits, l’apiculteur doit garder une trace précise, des coordonnées GPS par exemple, des lieux où sont installées les ruches et des dates auxquelles elles sont déplacées. Cette information est primordiale comme la composition d’un miel dépend directement des ressources florales disponibles dans l’aire de butinage des abeilles à un moment donné. Tenir un registre détaillé (localisation, type de végétation, floraisons, dates) pour chaque rucher facilite grandement le recoupement entre les récoltes et leur origine botanique potentielle.

Méthode en 4 étapes pour trouver la fleur/les fleurs d’origine du miel

Je vous propose une méthode en 4 étapes afin de vous aider à définir la fleur d’origine de votre miel.

1. Observation des plantes en fleurs autour des ruches

L’observation est avant tout la manière la plus facile de définir l’origine des fleurs qui composeront votre miel. Le périmètre autour duquel iront les abeilles se situe dans les 3 kilomètres autour de la ruche.

Comment définir ce rayon de 3km ?

• Soit en utilisant une carte topographique de l’IGN (Institut national de l’information Géographique et forestière)
• Soit en utilisant des outils en ligne comme celui de Mappy qui vous permet de définir un périmètre de 3km autour d’un point que vous définissez

Une fois que le périmètre est défini, vous pouvez vous promener afin d’observer les essences d’arbres et de fleurs qui sont à proximité. À l’œil nu en se promenant dans l’environnement immédiat de son rucher. L’application gratuite PlanNet peut vous aider à trouver les noms des fleurs ainsi que l’essence des arbres que vous ne connaissez pas en prenant une photo avec votre téléphone.

Mon outil préféré est BeeGIS, un outil créé par l’ITSAP (l’Institut de l’Abeille), cette application disponible gratuitement sur l’ordinateur permet d’estimer les ressources autour d’un rucher.

Photo de BEEGIS

À partir des ressources florales que vous avez aperçues, vous pouvez ainsi vous renseigner sur les périodes de floraison et ainsi connaître les grandes miellées qui intéresseront vos butineuses.

2. Prélèvement d’échantillons de miel

Maintenant que vous savez les grandes essences de fleurs et d’arbres susceptibles d’intéresser vos colonies, vous pouvez maintenant prélever des échantillons de miel par ruche pour chaque récolte que vous ferez.

Certains apiculteurs font en effet plusieurs récoltes par an : printemps et été.

3. Analyse sensorielle (aspect, odeur, saveur)

Avec vos échantillons de miel par ruche et par récolte (printemps et été), vous pouvez réaliser une analyse sensorielle détaillée pour mieux caractériser et différencier vos miels.

• Visuel : commencez par observer attentivement l’aspect visuel : la couleur peut aller de presque translucide pour les miels clairs comme l’acacia, à ambrée pour les miels de fleurs sauvages, jusqu’à très foncée pour les miels de sapin ou de châtaignier.
• Odeur : humez délicatement le miel pour en apprécier les arômes : les miels clairs auront souvent des notes florales douces, les foncés des accents plus boisés ou maltés. Certains miels comme le tilleul ou la bruyère présentent des odeurs caractéristiques (mentholée, animale…) permettant de les identifier.
• Goût : enfin, goûtez le miel et laissez-le fondre sur la langue pour percevoir toutes ses saveurs : les miels monofloraux auront généralement un goût franc et reconnaissable (l’acidulé du tilleul, l’amertume du sarrasin…) alors que les polyfloraux offriront une palette aromatique plus complexe et variable. L’intensité sucrée, la présence de notes fruitées, épicées ou boisées sont autant d’indices pour caractériser un miel.

Je vous partage un mode d’emploi du site apiservices.biz pour vous aider à faire l’analyse sensorielle du miel

4. Analyse en laboratoire (pollens, composés chimiques) pour confirmer votre analyse sensorielle

Si vous souhaitez aller plus loin dans la caractérisation de vos miels, vous pouvez faire appel à des analyses en laboratoire pour confirmer ou affiner votre analyse sensorielle.

J’avais écrit un article sur le sujet qui vous indique la liste des laboratoires où vous pouvez faire analyser votre miel

Le comptage des pollens présents dans le miel (mélissopalynologie) permet de déterminer avec précision les principales sources florales et leurs proportions, et ainsi de vérifier si votre miel correspond bien aux critères d’un miel monofloral ou s’il s’agit d’un polyfloral.

De plus, le dosage de certains composés chimiques spécifiques (sucres, acides aminés, composés aromatiques…) peut aider à identifier l’origine géographique ou botanique d’un miel.

Ces analyses permettent donc d’obtenir une véritable « carte d’identité » de votre miel.

Objections et cas particuliers

« Et si mes ruches sont entourées de fleurs diverses ? »

Si vos ruches sont entourées de tout un panel de fleurs variées, vous aurez un miel « toutes fleurs ». C’est intéressant parce c’est un type de miel d’une très grande richesse gustative.

Sinon, vous pouvez transhumer vos ruches si vous recherchez un type de miel en particulier

« L’analyse en laboratoire est trop coûteuse »

Il est vrai que les analyses en laboratoire représentent un coût non négligeable, surtout pour un apiculteur débutant. Cependant, il existe des moyens de rendre cette démarche plus abordable.

Tout d’abord, n’hésitez pas à vous rapprocher du syndicat d’apiculture dont vous êtes adhérent : il arrive qu’ils aient des partenariats avec des laboratoires d’analyses notamment dans le cadre des concours de miel.

Par ailleurs, vous pouvez choisir de ne faire analyser vos miels que si vous avez une production très importante une année, afin de confirmer son origine et de le valoriser au mieux. Pour les saisons moins généreux miels plus courants, vous pouvez vous satisfaire d’une analyse sensorielle que j’ai décrite précédemment

Pour aller plus loin

• Vous pouvez vous initier à la méllionologie, l’œnologie du miel
• Vous pouvez également affiner vos compétences d’analyse du miel en participant à des ateliers de dégustation