Il arrive souvent, lorsqu’un apiculteur ouvre sa ruche, de voir une colonie de fourmis qui s’est installée dedans, juste à côté des abeilles.
En effet, la ruche constitue un milieu favorable au développement d’une fourmilière. L’inquiétude de l’apiculteur est toutefois légitime lorsqu’il constate que des milliers de fourmis grouillent juste au-dessus de son essaim.
Toutefois, la présence des fourmis n’est pas si dérangeante que cela même si elle ne crée pas beaucoup de bénéfices non plus.
Je vais vous expliquer dans cet article
- Le fonctionnement d’une colonie de fourmis
- Quelles sont les raisons pour lesquelles les fourmis s’installent dans une ruche
- Quels sont les avantages de la présence de fourmis
- Quels sont les inconvénients
- Comment déloger les fourmis de la ruche si vraiment elles vous dérangent
Connaître les fourmis: beaucoup de similarité avec les abeilles
Saviez-vous qu’il existe plus de 15 000 espèces de fourmis dans le monde dont 218 espèces se trouvent en France ? Ce sont des chiffres impressionnants, d’autant plus que les colonies de fourmis se comptent le plus souvent en centaines de milliers voire en millions d’individus.
Chaque espèce a des caractéristiques différentes comme
- Sa taille
- Sa couleur
- Son espérance de vie
- Son lieu de vie
- Son alimentation
- Son comportement
- La v de la colonie
Le biologiste français Benoit Guénard a constitué une base de données géante compilant 1,7 million de données afin de donner un aperçu mondial, mais également par pays de la répartition géographique des espèces de fourmis.
Voici une liste des espèces de fourmis communes en France
- Camponotus lateralis
- Plagiolepis pygmaea.
- Lasius emarginatus
- Tapinoma pygmaeum
- Temnothorax affinis
- Camponotus cruentatus
- Camponotus pilicornis
- Formica pratensis
- Formicoxenus nitidulus
Comment reconnaître les différentes fourmis ?
Pour reconnaitre les différentes fourmis, la méthode la plus rapide consiste déjà à connaître le pays où les fourmis vivent, puis de définir sa taille, sa forme, sa couleur. L’aspect de chaque espèce de fourmi est également très caractéristique notamment sa tête, son thorax, son abdomen.
Chaque espèce de fourmi a une grande variété de comportements et des aptitudes à la vie sociale assez remarquable.
Quel est le mode de vie des fourmis ?
Tout comme un essaim d’abeilles, une colonie de fourmis est constituée de trois castes : ouvrières, mâles, reine.
Vous allez vous rendre compte que ces 2 insectes (abeilles et fourmis) ont beaucoup, beaucoup de points communs. Vous allez vous en rendre compte par vous-même.
Les fourmis ouvrières ont en général plusieurs rôles:
- construire et aménager le nid
- Entretenir le nid
- Apporter de la nourriture au nid
- Protéger le nid des agressions
- Soin au couvain et à la reine
Les mâles de la fourmilière ne sont présents que pendant de courtes périodes. Ils fécondent les reines et après l’accouplement ils meurent. L’accouplement a lieu en vol, et oui la reine des fourmis vole, et pendant ce vol la spermathèque de la reine est constituée pour toute sa vie.
La reine passe sa vie à pondre.
Après la fécondation, elle pond ses premiers œufs et s’en occupe elle-même. Les premières ouvrières adultes sont toutes petites. Cette première génération d’ouvrières, et toutes les générations suivantes prennent en charge les travaux de la fourmilière.
La reine peut vivre plusieurs années, voire même plusieurs dizaines d’années selon les espèces.
Les fourmis communiquent entre elles en touchant leurs antennes, en émettant des sons et surtout en sécrétant des substances chimiques odorantes appelées phéromones qui sont émises par la reine et par les ouvrières.
De quoi se nourrissent les fourmis ?
Les fourmis ne sont pas difficiles, elles mangent de tout. On dit qu’elles sont omnivores.
Voici un aperçu de leur alimentation
- Miellat (et non pas miel), c’est une sécrétion produite par des pucerons
- Des insectes et invertébrés morts ou vivants
- Oeufs d’insectes
- Sucs de plantes, sève d’arbre
- Graines
Cela dit, les différentes espèces de fourmis n’ont pas le même régime alimentaire.
Pourquoi les fourmis vont dans la ruche ?
Avez-vous ce souvenir d’enfance où, lorsque vous soulevez des dalles sur le sol, vous vous apercevez qu’une colonie de fourmis vit dessous ?
C’est ce même type de lieu de vie que la plupart des colonies de fourmis recherchent.
En effet, les fourmis recherchent des endroits avec
- De la chaleur
- De l’humidité
- De la nourriture
On trouve tout cela dans la ruche ?
Oui ! Une ruche est un espace particulièrement apprécié par les fourmis, car elle réunit ces 3 critères.
En effet, les fourmis se logent entre le couvre-cadre et le toit parfois dans le nourrisseur, c’est un endroit particulièrement chaud notamment du fait de toit en tôle qui chauffe rapidement.
Pour information, la température au cœur de la ruche est maintenue entre 34 et 35°C. Les fourmis profitent de la chaleur entre le toit et le couvre cadre pour le développement des larves.
Ensuite, l’humidité ambiante de la ruche qui se situe entre 50 et 70% en fait un coin agréable pour héberger une colonie de fourmis. Et enfin, la nourriture se trouve à proximité immédiate de la ruche, du fait des corps d’abeilles jetés en dehors de la ruche par les abeilles ouvrières, il y a également un accès facilité au pollen, nectar, miel, candi ou sirop.
Il y a toujours quelques fourmis sur le fond de ruche ou devant la ruche qui ramassent cadavres et déchets.
Quels sont les avantages à laisser les fourmis près de vos abeilles ?
Dans la nature, les essaims naturels vivent quasiment tout le temps en compagnie des fourmis. Il y a une symbiose de vie entre les deux insectes.
Quelques apiculteurs ont déjà fait le constat qu’un essaim naturel peut s’installer au-dessus d’un nid de fourmis.
Il y a donc un lien certain entre ces 2 insectes.
Voici une liste des avantages qu’il peut y avoir à laisser cohabiter fourmis et abeilles :
- En général, il y a une cohabitation saine entre les 2 colonies, elles ne sont pas en contact direct. Elles n’empiètent pas sur leurs plates-bandes. S’il y a contact entre fourmis et abeilles, la séparation des territoires se règle en force ou en douceur.
- Les fourmis nettoient les saletés et les cadavres autour de la ruche: débris de nymphes et de larves sortis par les abeilles, corps de fausse-teignes. Elles ont un rôle non négligeable dans le nettoyage des abords de la ruche.
Émanation d’acide formique des fourmis aux abeilles ?
Des doutes persistent sur un potentiel transfert d’acide formique aux abeilles. Comment est-ce que cet acide, qui tue les varroas, pourrait communiquer de la colonie de fourmis à la colonie d’abeilles sachant qu’il n’y a pas de contact direct entre elles et que les espaces sont fermés grâce à la propolis ? Comment l’acide formique pourrait passer à travers les parois de la ruche, à travers le couvre cadre ?
Le transfert d’acide formique de fourmis à abeilles doit être très anecdotique.
Les fourmis mangent-elles les varroas ?
Un autre doute persiste sur le fait que les fourmis mangeraient les varroas qui se promènent dans la ruche ou qui tombent sur le tiroir du plancher. Les fourmis n’accèdent généralement pas à l’intérieur de la ruche et les varroas qui sont tombés sur le tiroir ne remontent pas dans la ruche.
Quels sont les inconvénients à avoir des fourmis dans sa ruche ?
Les fourmis peuvent poser problème aux abeilles et aux apiculteurs. Les torts que peuvent commettre les fourmis dépendent évidemment de la variété considérée. En France, la plupart des espèces ne sont pas agressives. Toutefois, voici un aperçu des inconvénients de laisser des fourmis dans une ruche.
- Les fourmis peuvent attaquer les abeilles lorsque la ruche est faible
- Elles peuvent grimper sur l’apiculteur (jambes et mains) de l’apiculteur et le mordre, c’est très désagréable lorsque l’on visite une ruche !
- Elles peuvent piller des réserves de miel
- Les fourmis peuvent occuper des cadres de la ruche pour y déposer leurs larves
Ce sont des cas rares, qui se présentent surtout lorsque l’essaim d’abeilles est faible. Sur les 15.000 espèces de fourmis, il y a bien plusieurs qui sont agressives vis-à-vis des abeilles. Par exemple, à la Réunion, les fourmis volcan envahissent les ruches dès qu’une colonie est faible et les abeilles désertent.
Quelques autres exemples d’inconvénients causés par des espèces de fourmis françaises
- Les fourmis charpentières, comme la Crematogaster scutellaris, creusent le bois des ruches et combattent les abeilles
- La Camponotus vagus est une fourmi qui défend âprement son nid si des abeilles sont situées à côté
- Des espèces de fourmis attaquent les abeilles jusque sur la planche de vol
- D’autres espèces occupent l’intérieur des ruches vides et elles refoulent les abeilles éclaireuses empêchant ainsi un essaim d’abeilles de venir
Agir ou ne rien faire ?
Cela dépend de la balance coût/bénéfice. Si vous voyez que la cohabitation se passe bien entre les abeilles et les fourmis, que les territoires sont définis et que les fourmis ne causent pas de problème en mangeant le bois de vos ruches ou en agressant les abeilles sur la planche d’envol ou dans les ruches, vous pouvez les laisser en paix.
En France, les espèces communes de fourmis sont peu risquées pour nos abeilles. D’autant plus que si vous croyez que les abeilles aident à baisser la pression du varroa, vous pouvez les laisser vivre, voir même installer un casier permanent avec du candi dans le couvre cadre pour attirer les fourmis.
Voici une ruche dont le couvre cadre est habitée par une fourmilière. L’apiculteur éloigne les fourmis avec des épluchures de concombre
Si vraiment les fourmis gênent vos abeilles, plusieurs solutions existent
- Installer une couveuse pour les fourmis. C’est une grande dalle de pierre ou de carrelage posés sur la fourmilière sur un pourtour de sable ou de terre. Les fourmis iront vivre dessous et elles ne chercheront pas la chaleur des ruches.
- La craie (comme celles de l’école): enduisez les 4 faces de la ruche de craie et les fourmis ne reviendront pas.
- Mettre des feuilles de laurier dans le couvre cadre
- Verser du brou de noix sur une feuille essuie-tout et la poser sur le couvre cadre
- Mettre quelques cuillères de bicarbonate de soude dans le couvre cadre
- Planter de la menthe près des ruches
- Mettre de la cendre de bois autour de vos ruches
- Mettre du plâtre dans le couvre cadre
À éviter
- Mettre du souffre sur le couvre cadre, il risque de contaminer les abeilles lors de l’ouverture de la ruche
- Mettre des pesticides ou du gel antifourmi
- Isoler les pieds des supports de la ruche du sol en les mettant dans des boites de conserve ou des bacs contenant de l’eau. Certains apiculteurs mettent de l’huile, comme en Afrique pour éviter les termites, mais je trouve que cette solution est trop disproportionnée.
Conclusion
Au final, la cohabitation des fourmis avec les abeilles présente plusieurs avantages et très peu d’inconvénients. Si elles ne gênent ni vos abeilles ni vous, je vous conseille de laisser les fourmis tranquilles dans votre ruche. De toute façon, vous allez vous épuiser si vous essayez d’éloigner toutes les fourmis de vos ruches.
Sources:
http://antarea.fr/
http://antsmania.com
https://www.myrmecofourmis.fr/
https://antmaps.org/
https://inpn.mnhn.fr
Merci Monsieur Guillaume pour ces explications très utiles.
Voilà des astuces naturelles et simples à mettre en oeuvre ! Est il utile d’en faire plusieurs en même temps ou est ce que choisir l’une d’entre elle suffit ?
Je recommande d’en choisir une d’entre elles
Article très intéressant et très bien documenté. J’ai beaucoup appris sur la cohabitation entre ces deux espèces. merci pour ce tour de ruche qui donne envie d’en savoir plus
Je ne savais pas que les fourmis et les abeilles pouvaient cohabiter presque en symbiose, magnifique ! La nature est tellement inspirante! Merci pour toutes ces recherches sérieuses 🙂
Avec plaisir
Je viens de tomber par hasard sur ton article. C’est super complet et je viens d’apprendre plein de choses, sur les fourmis en plus ! Cela fait des mois que je pense à avoir une première ruche à la maison. Je vais donc te suivre, car ne sait-on jamais quand je passerai à l’action.
Merci Anne Sophie, tu es la bienvenue sur ce blog. Quelles questions tu te poses ? N’hésite pas à me contacter directement pour que l’on échange et que je réponde à tes questions
très intéressant !
je note la cohabitation bénéfique pour lutter contre le varroa
et je note les astuces pour éloigner les fourmis, ça me servira dans mes placards 😀
La cohabitation n’est pas très bénéfique pour lutter contre le varroa (malheureusement). Mais c’est si beau de voir des espèces vivre ensemble
Très intéressant tous ces détails sur la co-habitation des abeilles et des fourmis, je ne me serais pas du tout douté qu’on pourrait retrouver des fourmis dans une ruche 🙂
J’aime bien ta conclusion du « vivre et laisser vivre » tant que cela est possible !
Merci Jessica !
Je suis impressionnée par ce que les épluchures de concombre ont provoqué chez les fourmis !
Moi je suis fascinée par ce minuscule monde, qui a tant à nous apprendre.
Dans l’appartement ou je vis actuellement, lorsque je suis arrivée, j’ai certainement chassé une fourmilière, à mon grand regret, mais il y avait tous les jours des fourmis qui allaient de la cuisine à la salle de bain, avec des petits restes de sucre mie ou autre, un vrai spectacle mais bon il fallait bien faire le ménage ! Car en plus, elles créées un petit monticule de je ne sais quoi.
Dans le Coran, il y a 2 sourates, 1 dédiée aux Abeilles, et une aux Fourmies. Je pense que ce n’est pas pour rien que es 2 insectes ont tant en commun.
Exact, les sourates 16 et 27 😊
J’ai découvert votre site il y a peu. Cette approche passionnée, essentielle pour appréhender quelque sujet que ce soit dans la vie, m’inspire confiance. Ce que vous dites sur la cohabitation avec les fourmis est pertinent. J’ai moi aussi lu, entre autre, que l’acide formique, dont les œufs de fourmis sont enrobes, avaient un effet sur le nombre de varroas (jusqu’à observer une absence de varroa). Le « comment cela se pourrait-il » depuis le dessus du couvre-cadre m’a tout de suite percuté. Ou alors il y a qque chose qui nous échappe!?…
En tout cas, merci de partager vos recherches et réflexions.
Sandrine.
Bonjour Sandrine, l’effet de l’acide formique du fait de la présence de la fourmilière dans la ruche me paraît très anecdotique.
Un traitement normal à l’acide formique se fait avec une dose de 30ml pour une Dadant 10 cadres. Je doute très très fortement qu’il y a une telle concentration d’acide dans une petite fourmilière de ruche , d’autant plus, comme vous le soulignez qu’il y a une séparation physique entre les abeilles et les fourmis.
Si mon voisin du dessus se soigne aux huiles essentielles, est-ce que cela des effets sur moi ? J’en doute.
Merci beaucoup pour votre commentaire !