L’art de conserver son matériel d’apiculture en Inde – Episode 5 – Les maîtres des abeilles

Vous êtes vous déjà demandé quel matériel d’apiculture les chasseurs-cueilleurs au sud de l’Inde utilisent ? Quel est l’intérêt en Slovénie de marquer une reine avec une couleur et un numéro ?  Comment des abeilles peuvent-elles vivre sur une île ?  Pourquoi le miel est-il sacré au Cameroun ? Comment récolter du miel à 50m de hauteur ? Pourquoi l’eau constitue un danger pour les abeilles en Argentine ? 

L’apiculture que nous connaissons en France est différente des apicultures pratiquées dans d’autres pays. Je vous propose de partir en voyage tous les deux, un voyage au cœur de l’abeille pour découvrir le lien profond qui unit l’homme et l’abeille depuis la nuit des temps.

En découvrant d’autres pratiques, des histoires de vie, j’espère de tout cœur que cela vous inspirera afin de vous aider à trouver VOTRE objectif d’apiculture et VOTRE manière de pratiquer l’apiculture.

Après avoir découvert l’archipel des îles Éoliennes, l’Indonésie avec l’île de Bornéo, l’Argentine avec le delta du fleuve Paraná, la Slovénie en allant dans le parc naturel du Triglav,  nous explorons le sud de l’Inde en nous faisant surprendre par la beauté des Nilgiris, les montagnes bleues.

Liste de l’ensemble des épisodes de la série

Présentation d’Arte

Arte est une chaine culturelle européenne qui est diffusée depuis 1992. C’est une chaîne franco-allemande qui est connue pour la qualité et la variété de ses reportages. La mission de cette chaîne est « de concevoir, réaliser et diffuser ou faire diffuser par satellite ou par tout autre moyen, des émissions de télévision ayant un caractère culturel et international au sens large, et propres à favoriser la compréhension et le rapprochement des peuples en Europe ».

Présentation de la série « Les maîtres des abeilles » d’Arte 

Pour notre plus grand bonheur, en 2017, Arte a réalisé une série de 15 épisodes dédiés à l’apiculture. Ces épisodes mettent en avant le lien profond et intime qui lie l’abeille et l’homme. Une des idées de cette série d’épisodes est de se rendre compte de la diversité des abeilles sur Terre et également des différentes traditions, techniques et rituels que les hommes ont créés autour des abeilles.

… Chinasami, un autre apiculteur chasseur-cueilleur qui est un grimpeur hors pair ! 

Chinasami et sa femme récoltent du thé

Présentation de l’épisode 5: « Inde, le miel des montagnes bleues« 

Il n’y a qu’Arte pour nous faire découvrir un tel paradis perdu 😃

Présentation du contexte : apiculteurs, techniques et région

Ce cinquième épisode a été tourné dans le sud de l’Inde, dans les montagnes de Nilgiris, que l’on nomme aussi les montagnes bleues. Elles portent ce nom, car une fois tous les 12 ans, les montagnes sont recouvertes du bleu mauve des fleurs kurinjis. Les Nilgiris comptent 24 sommets au-delà de 2 000 mètres dont le plus haut est le Doddabetta. Cette chaîne montagneuse s’étend sur 5000 km2 et dispose de l’une des plus riches biosphères de la planète du fait notamment des pluies très importantes.

L’Apis Dorsata, l’abeille géante

L’abeille qui habite ses montagnes est l’Apis Dorsata dont nous avons entendu parler lors de l’épisode 2 sur les abeilles géantes d’Indonésie. L’Apis Dorsata, l’abeille géante, est une abeille migratrice. Elle construit son nid sur les surplombs des falaises et à la cime des arbres. Ces abeilles mesurent près de 2cm, c’est presque le double des abeilles que nous connaissons en Europe.

Les essaims d’Apis Dorsata ne construisent qu’un seul rayon de cire vertical qui est recouvert par les abeilles, celles-ci forment plusieurs couches. Pour les plus gros essaims, le rayon peut atteindre 1m de rayon, cela représente un diamètre total de 2m !!

Apis Mellifera: l’abeille que nous connaissons en France

Les apiculteurs: Chinasami et Jadayan

Chinasami et Jadayan sont deux amis qui vivent dans des villages et des tribus différents, ils vivent à 20km l’un de l’autre. Ils sont tous les deux des chasseurs-cueilleurs traditionnels et chaque année, ils attendent la venue de l’abeille migratrice en avril pour récolter le miel ensemble. Chinasami et Jadayan font cette récolte depuis 20 ans, ils veulent former leurs fils et leurs neveux à cette tradition séculaire et également pour assurer un revenu à leurs familles. La vente de miel est une des principales sources de revenus pour ces apiculteurs.

En plus de la récolte du miel, Jadayan et sa famille vivent de l’élevage de chèvres et de la cueillette. Tandis que Chinasami et sa femme vivent en récoltant les feuilles de thé.

Les chasseurs-cueilleurs sont mal considérés dans la région. Le rejet de ce métier et la dangerosité de la pratique expliquent la disparition de cette tradition.

La saison du miel commence en avril et dure jusqu’au mois de juillet. Les abeilles géantes se nourrissent du nectar de la fleur de naga, de cauli, d’hibiscus. Dès le mois d’août, lorsque les ressources en nectar se font rares, les abeilles migrent pour trouver d’autres sources de nourriture, elles parcourent parfois jusqu’à 200km de distance.

Jadayan entreprend de faire la récolte avec son fils et son neveu, ils vont chercher des lianes pour entretenir le matériel nécessaire à la collecte. Ils enlèvent l’écorce des lianes afin d’accéder aux fibres de la liane, ces fibres leur permettront de consolider les cordes de l’échelle. Cette échelle aidera Chinasami à accéder aux essaims accolés aux parois de la montagne.

Les fibres sont assemblées

L’échelle est renforcée grâce aux lianes et des barreaux sont tissés

Préparation du matériel d’apiculture et des esprits 

Les neveux et fils de Chinasami et Jadayan se sont mis à l’ouvrage pour réparer l’échelle. Celle-ci sera déroulée depuis le haut de la falaise pour accéder aux essaims. L’échelle est inspectée et renforcée, c’est Chinasami qui descendra de l’échelle. Chinasami et Jadayan perpétuent ce que faisaient leurs ancêtres en récoltant le miel de cette manière.

Ils confectionnent des enfumoirs avec des branches et des feuilles vertes afin de faire une fumée épaisse pour éloigner les abeilles et protéger ceux qui seront exposés aux abeilles. Seuls les hommes participent à la récolte.

Ils font également une prière (pudja) à une déesse afin de lui demander de leur écarter les dangers tels que les animaux sauvages. Ils font une prière et apportent des offrandes. Cette déesse est la personnalisation de la nature elle-même, elle est partout.

Les aînés transmettent leur savoir à leurs fils et leurs neveux

Des offrandes en fleurs, nourritures et encens sont consacrées à la déesse

La récolte du miel

Sur la route vers les falaises des montagnes bleues, notre duo d’apiculteur voit un essaim d’Apis Dorsata dans un arbre. Ni une ni deux, Chinasami va monter 20m sur l’arbre, sans protection ni échelle. Ils font monter un enfumoir pour qu’il puisse éloigner les abeilles de leur essaim.

Seules les cellules du haut du rayon sont remplies de miel, Chinasami coupe d’abord le bas du rayon de cire qu’il laisse tomber au sol, puis il coupe le haut du rayon de cire rempli de miel avant que les abeilles ne reviennent.

À la fin de cette première récolte, le groupe remercie la forêt et les abeilles pour ce don en laissant une partie de leur récolte au pied de l’arbre sur lequel se trouvait l’essaim.

Tôt le lendemain matin, le groupe part en direction des falaises pour trouver des essaims d’Apis Dorsata. Ils arrivent à trouver plusieurs essaims sur une des falaises.

Chinasami quitte le groupe pour aller en haut de la falaise pour mettre en place son échelle de 30m. Le reste du groupe reste en bas et alimente des feux qui consument des feuilles et du bois vert pour créer une fumée épaisse et froide. Ces feux seront alimentés pendant toute la durée de la collecte.

Chinasami descend de la paroi sur l’échelle de corde sans attaches ni protection. Il récolte les plus gros essaims en premier. La récolte dure 2h. Le miel récolté sera nettoyé et partagé devant la maison de Chinasami. Ils extraient le miel à la main et filtrent la cire avec un tissu.

Plusieurs essaims d’Apis Dorsata se sont logés dans ces falaises

Les essaims n’ont qu’un seul rayon de cire

Chinasami découpe les rayons de miel et les fait tomber dans un récipient qu’il a avec lui

La cire est séparée du miel en filtrant avec un tissu propre

Cet enfant sera marqué à vie par le goût délicieux du miel avec la cire 😋

Quelles sont les connaissances clés pour comprendre cet épisode ?

J’ai répertorié plusieurs informations clés qui peuvent vous permettre de bien comprendre cet épisode afin que vous compreniez mieux l’apiculture.

Bien choisir son matériel

Chinasami et Jadayan utilisent la même échelle de corde depuis 10 ans. Ils en prennent soin en la stockant à l’abri de l’humidité et chaque année ils prennent du temps pour entretenir leur matériel. Choisissez des matériaux qui durent et prenez du temps pour entretenir votre matériel et équipement.

S’associer

Faire une association avec un ou plusieurs apiculteurs du voisinage facilite le partage de connaissance et permet d’avoir une aide à disposition lors des pics d’activité: récolte, déplacement de ruches. 

Savoir garder son calme

Alors qu’il est entouré par une nuée de dizaines de milliers d’abeilles, Chinasami garde son calme et reste concentré sur son objectif. Même lorsqu’une visite d’une ruche se passe mal, gardez votre calme. Alors que je visitais une ruche, je sentis que deux abeilles avaient réussi a se glisser sous ma tenue et mes vêtements, une était sur ma cuisse et l’autre était sur mon ventre. J’ai fermé tranquillement la ruche et je me suis éloigné de mon rucher pour enlever ma tenue calmement, aucune des deux ne m’a piqué 😅

Faites contribuer les plus jeunes

Chinasami et Jadayan ont demandé à leurs neveux et fils de venir les aider et d’apprendre la tradition. Lorsque vous récoltez ou lorsque vous mettez en place un nouveau rucher, faites contribuer des jeunes membres de votre famille, vous leur transmettrez ainsi vos connaissances et vous renforcerez vos liens familiaux et amicaux.

Que retenir de cet épisode ? 

Les deux choses qui m’ont le plus étonné dans cet épisode sont le soin apporté à leur matériel qu’ils gardent depuis 10 ans et également le calme phénoménal de Chinasami alors qu’il est à une centaine de mètres du sol, sur une échelle de corde qui bouge et qu’une dizaine de milliers d’abeilles l’entoure !

Les autres épisodes seront disponibles dans les prochaines semaines ! A bientôt

Et vous, chère lectrice, cher lecteur
Dans quel pays, la pratique de l’apiculture vous a le plus étonné ?